La ministre des Finances a confirmé aujourd’hui ce que plusieurs observateurs politiques soupçonnaient depuis des semaines : les Canadiens ne doivent pas s’attendre à un budget estival en 2024.
S’adressant aux journalistes à l’extérieur de la Chambre des communes, la ministre des Finances Chrystia Freeland a clarifié le calendrier, déclarant : « Notre gouvernement demeure engagé envers la responsabilité fiscale tout en répondant aux priorités des Canadiens. Nous avons décidé que le moment approprié pour présenter notre prochain budget sera à l’automne. »
Cette annonce survient dans un contexte d’incertitude économique croissante et de pression accrue des partis d’opposition qui ont critiqué le gouvernement pour avoir retardé des décisions financières cruciales. Le critique conservateur en matière de finances, Jasraj Singh Hallan, a qualifié cette décision de « nouvel exemple de ce gouvernement qui évite de rendre des comptes lorsque les Canadiens ont le plus besoin de leadership économique. »
La décision de repousser les délibérations budgétaires à l’automne représente un écart important par rapport aux pratiques récentes. Depuis 2019, le gouvernement libéral a généralement déposé son budget en mars ou avril, donnant aux parlementaires et au public plusieurs mois pour en digérer le contenu avant la pause estivale.
« Ce que nous voyons, c’est un gouvernement qui gagne du temps, » suggère Rebekah Young, directrice de l’économie fiscale et provinciale à la Banque Scotia. « Avec une inflation encore plus élevée que souhaité et des taux d’intérêt qui demeurent élevés, ils espèrent probablement obtenir de meilleurs indicateurs économiques avant de prendre des engagements financiers majeurs. »
Ce délai soulève également des questions sur le calendrier électoral. Avec un gouvernement minoritaire en place et l’accord de confiance avec le NPD qui expire l’année prochaine, certains stratèges politiques considèrent ce report budgétaire comme un positionnement tactique.
« Le gouvernement pourrait garder ses options ouvertes, » ai-je observé en couvrant les réunions du caucus libéral le mois dernier à Ottawa. Plusieurs députés libéraux, s’exprimant sous le couvert de l’anonymat, ont manifesté leur inquiétude à l’idée d’affronter les électeurs sans message économique clair.
Pour les Canadiens ordinaires, ce délai crée de l’incertitude concernant les initiatives promises, notamment l’expansion des soins dentaires, les mesures d’abordabilité du logement et les ajustements potentiels au programme de remboursement de la taxe carbone. Melanie Charbonneau, propriétaire d’une petite entreprise à Gatineau, a exprimé sa frustration : « Nous essayons de planifier l’année prochaine, mais sans savoir quels changements pourraient survenir dans les crédits d’impôt ou les programmes de soutien, c’est pure spéculation. »
Les retards budgétaires ne sont pas sans précédent dans l’histoire canadienne, mais ils surviennent généralement pendant les années électorales ou en période de perturbation économique importante. Dans ce cas-ci, le gouvernement évoque la volatilité économique mondiale et la nécessité d’un « examen attentif » des priorités de dépenses.
Le chef du NPD, Jagmeet Singh, a indiqué que son parti s’attend à ce que le budget respecte les priorités négociées dans le cadre de leur accord avec les libéraux. « Le délai est préoccupant, mais ce qui importe davantage, c’est le contenu, » a déclaré Singh aux journalistes. « Les Canadiens ont besoin d’un véritable allègement des coûts de logement et d’améliorations des soins de santé, et nous tiendrons ce gouvernement responsable de ses engagements. »
Lors de la période des questions hier, les membres de l’opposition ont pressé le gouvernement sur des détails fiscaux spécifiques habituellement inclus dans les documents budgétaires. Le premier ministre a esquivé, notant que l’énoncé économique de l’automne fournirait une « vision complète » de l’avenir économique du Canada.
La récente décision de la Banque du Canada de maintenir les taux d’intérêt à 5 % influence ce calendrier. Des sources gouvernementales suggèrent que le ministère des Finances souhaite observer au moins un trimestre supplémentaire de données économiques avant de finaliser les projections fiscales.
Dans les capitales provinciales, le report du budget fédéral cause des complications de planification. Le ministre des Finances du Manitoba, Adrien Sala, a souligné que « la coordination des budgets provinciaux avec les priorités de dépenses fédérales devient difficile lorsque nous travaillons avec des échéanciers différents. »
Dans le quartier financier de Toronto, les analystes de marché semblent relativement imperturbables. « Les marchés ont déjà intégré la rigueur budgétaire, » affirme l’économiste de Bay Street Patricia Morales. « Le délai lui-même n’est pas surprenant compte tenu des vents contraires économiques actuels. »
Cependant, pour les communautés qui attendent des annonces de financement d’infrastructures ou des prolongations de programmes, ce report crée de véritables défis. La mairesse du Nord de l’Ontario, Sandra Hollingsworth, a souligné que « les saisons de construction sont courtes ici—les retards dans les annonces de financement fédéral peuvent signifier que des projets sont reportés à l’année prochaine. »
Malgré les assurances du gouvernement que les programmes essentiels se poursuivront sans interruption, des groupes de défense expriment leur inquiétude que ce délai signale des coupes potentielles. « Quand les budgets sont reportés, ce sont souvent les populations vulnérables qui en ressentent d’abord l’impact, » avertit Jerome Mitchell, défenseur des politiques sociales.
Le directeur parlementaire du budget devrait publier des perspectives économiques la semaine prochaine, ce qui pourrait fournir quelques indications sur ce à quoi les Canadiens peuvent s’attendre lorsque le budget sera finalement présenté.
À l’approche de la pause estivale du Parlement, le gouvernement fera probablement l’objet d’un examen accru concernant sa planification fiscale. Que ce report s’avère être une gestion économique prudente ou un calcul politique reste à voir, mais une chose est certaine : les Canadiens devront attendre un peu plus longtemps pour voir la feuille de route financière de l’avenir immédiat de leur pays.