Les cris de la foule s’estompaient derrière moi alors que je quittais la conférence de presse au Sheraton d’Ottawa hier. Le ministre de la Santé, Mark Holland, venait de dévoiler les dernières mesures du gouvernement vers un régime national d’assurance-médicaments – une étape importante qui se fait attendre depuis des décennies. Pourtant, en traversant le hall, les visages des participants révélaient un mélange d’espoir et de scepticisme qui correspondait à mes propres sentiments contradictoires.
« Ma fille a besoin de trois médicaments qui nous coûtent près de 600 $ par mois, » m’a confié une femme nommée Samantha à l’extérieur. Elle avait fait le voyage depuis Kingston pour assister à l’annonce. « Je veux croire que cela nous aidera, mais on a déjà entendu des promesses auparavant.«
L’annonce d’hier marque ce que Holland a appelé « une étape historique » dans le parcours des soins de santé du Canada – l’introduction d’un système à payeur unique pour les contraceptifs et les médicaments contre le diabète. À partir de 2025, les Canadiens auront accès à ces médicaments sans les barrières financières qui ont empêché plusieurs de renouveler leurs ordonnances.
Le plan couvrira le coût total des médicaments courants contre le diabète, y compris l’insuline et les dispositifs de surveillance du glucose, ainsi qu’une gamme de contraceptifs, des pilules aux DIU. Cette phase initiale coûtera environ 1,5 milliard de dollars par année selon les estimations gouvernementales – un investissement substantiel, mais bien inférieur aux 15 milliards estimés qu’un système complet d’assurance-médicaments pourrait nécessiter.
« Ces médicaments représentent des besoins essentiels qui touchent des millions de vies canadiennes, » a souligné Holland pendant sa présentation, encadré par des drapeaux canadiens et des présentoirs pharmaceutiques. « Personne ne devrait avoir à choisir entre ses médicaments et mettre de la nourriture sur la table. »
Pour certains observateurs, l’annonce touche une corde sensible. Dre Ritika Goel, médecin de famille avec qui j’ai parlé après la conférence, constate quotidiennement l’insécurité médicamenteuse dans sa pratique à Toronto.
« J’ai des patients qui rationnent leur insuline ou qui sautent leur contraception à cause du coût, » m’a-t-elle expliqué alors que nous partagions un café dans un bistrot voisin. « Ce plan répond à des souffrances réelles, mais ce n’est que le début de ce dont nous avons besoin. »
Holland l’a reconnu, appelant cela « la fondation sur laquelle nous allons bâtir. » L’infrastructure du programme servira de travail préparatoire pour une expansion future à d’autres catégories de médicaments, bien que les délais précis demeurent flous.
Diabète Canada rapporte que 11,7 millions de Canadiens vivent avec le diabète ou le prédiabète, avec des coûts de médicaments atteignant des milliers de dollars annuellement pour ceux sans assurance adéquate. Pendant ce temps, la Société des obstétriciens et gynécologues du Canada estime que près de 30 % des femmes ont évité d’utiliser des contraceptifs en raison des barrières financières.
En marchant dans le centre-ville d’Ottawa après l’annonce, je me suis rappelé avoir visité des communautés à travers le nord de la Colombie-Britannique l’année dernière, où les pharmaciens décrivaient des aînés coupant leurs pilules en deux pour faire durer les ordonnances plus longtemps. Dans les communautés isolées des Premières Nations, les obstacles à l’accès aux médicaments vont au-delà du coût pour inclure la géographie et les facteurs culturels.
Clement Green, un éducateur en diabète de Haida Gwaii qui assistait à l’annonce d’hier, a exprimé un optimisme prudent. « Cela pourrait être transformateur pour les communautés éloignées si c’est mis en œuvre avec une sensibilité culturelle, » m’a-t-il dit. « Mais nous devons voir les détails de comment cela fonctionnera réellement dans des endroits situés à des heures de la pharmacie la plus proche. »
La structure du plan s’appuie sur l’Accord de soutien et de confiance entre les Libéraux et le NPD, qui s’est engagé à progresser sur l’assurance-médicaments d’ici la fin de 2023. Cette collaboration a survécu malgré les tensions politiques, bien que l’opposition conservatrice ait critiqué les coûts et l’approche de mise en œuvre de l’initiative.
« C’est un moment historique, » a déclaré le chef du NPD, Jagmeet Singh, suite à l’annonce. « Les Canadiens attendent depuis des générations un programme qui garantit que les médicaments sont couverts de la même manière que les visites à l’hôpital et les rendez-vous chez le médecin. »
Le plan diverge quelque peu des recommandations du rapport Hoskins de 2019, qui préconisait un système complet à payeur unique couvrant tous les médicaments essentiels. Au lieu de cela, le gouvernement a opté pour une approche progressive que le ministre de la Santé Holland a présentée comme « un progrès pragmatique.«
Les critiques soutiennent que cette approche progressive ne permet pas d’exploiter pleinement le pouvoir de négociation d’un formulaire national, tandis que les partisans suggèrent qu’elle permet de tester le système avant une mise en œuvre plus large.
Debout devant la Colline du Parlement à l’approche du soir, j’observais les familles qui passaient, ignorant que l’annonce d’hier pourrait un jour remodeler leur réalité en matière de soins de santé. Je pensais à la fille de Samantha et aux millions de Canadiens qui naviguent dans notre ensemble complexe d’assurances privées, de régimes provinciaux et de dépenses personnelles.
Dre Ruth Lopert, une experte en politique pharmaceutique que j’ai interviewée par téléphone ce matin, a offert une perspective : « Le Canada demeure le seul pays avec des soins de santé universels qui n’inclut pas la couverture des médicaments sur ordonnance. Cela change cela, même si ce n’est que pour des médicaments sélectionnés initialement.«
Les détails de mise en œuvre restent à venir, y compris comment le programme fédéral s’intégrera aux régimes provinciaux existants et aux assurances privées. Le gouvernement a promis que les négociations avec les provinces commenceront immédiatement, avec des détails techniques attendus d’ici l’été.
Alors que le crépuscule tombait sur Ottawa hier, je ne pouvais m’empêcher de réfléchir à la façon dont les politiques de soins de santé semblent souvent éloignées des tables de cuisine où les familles prennent des décisions financières douloureuses. Mais pour les personnes qui rationnent l’insuline ou évitent la contraception en raison des coûts, l’annonce d’hier pourrait un jour se traduire par un soulagement tangible.
Que cela représente le premier chapitre d’une histoire complète d’assurance-médicaments ou simplement une intervention limitée dépendra de la volonté politique, de la demande publique et du succès initial du programme. Pour l’instant, des millions de Canadiens attendent de voir si cette avancée tient sa promesse de faire de l’accès aux médicaments un droit fondamental plutôt qu’un privilège financier.