Dans le calme matinal d’un centre de tennis torontois, le son distinctif d’une balle spécialisée fend l’air. Naqi Rizvi écoute attentivement, calculant sa trajectoire avant d’exécuter un coup droit parfait. Pour ce triple champion national de tennis pour non-voyants, cette routine représente plus qu’un simple entraînement – c’est le symbole d’un mouvement grandissant qui vise à propulser ce sport sur la scène paralympique.
« On ressent le jeu différemment, » explique Rizvi, qui a perdu progressivement la vue durant son adolescence, mais a trouvé dans le tennis un nouveau sens à sa vie. « C’est une question de conscience spatiale, de reconnaissance sonore et de confiance en ses instincts. Le terrain devient un espace qu’on navigue par l’ouïe. »
Le tennis pour non-voyants, aussi appelé tennis sonore, utilise des balles en mousse contenant des grelots et permet d’un à trois rebonds selon la classification visuelle. Les joueurs totalement non-voyants comme Rizvi ont droit à trois rebonds, tandis que ceux avec une vision partielle bénéficient de moins d’accommodements.
Ce sport a connu un essor considérable à travers le Canada ces dernières années. Tennis Canada rapporte une augmentation de 47% de participation depuis 2020, avec des programmes désormais actifs dans sept provinces. Néanmoins, Rizvi estime que l’inclusion paralympique représente la prochaine étape cruciale.
« Nous avons prouvé que le cadre compétitif existe, » m’a confié Rizvi lors d’une récente séance d’entraînement au Club de Tennis Mayfair Parkway. « Ce dont nous avons besoin maintenant, c’est d’une plus grande visibilité et du soutien structurel qu’apporte la reconnaissance paralympique. »
Rizvi s’est imposé comme un défenseur influent, intervenant lors de conférences sur l’inclusion sportive et rencontrant des responsables du Comité paralympique canadien. Ses efforts ont contribué à obtenir des financements supplémentaires pour les programmes de développement du tennis pour non-voyants en Ontario et en Colombie-Britannique.
Dr. Amanda Chen, chercheuse en inclusion sportive à l’Université de Toronto, considère que le plaidoyer de Rizvi est particulièrement efficace. « Il comble le fossé entre l’expérience vécue et le changement systémique, » explique Chen. « Avoir des athlètes champions qui dirigent les efforts de sensibilisation apporte une authenticité que les documents politiques seuls ne peuvent pas atteindre. »
Le Comité paralympique international exige que les sports démontrent des structures de compétition mondiales, des règles standardisées et des tournois internationaux réguliers avant d’être considérés. Le tennis pour non-voyants, bien que répondant à de nombreux critères, fait face à des défis concernant la cohérence des systèmes de classification et le nombre de participants à l’échelle mondiale.
Emily Watson, porte-parole du Comité paralympique canadien, reconnaît ces obstacles mais constate des progrès. « Nous observons un élan remarquable derrière le tennis pour non-voyants, » affirme Watson. « La voie de développement se renforce, avec davantage de tournois internationaux et d’ensembles de règles standardisées qui émergent chaque année. »
En avril dernier, le Canada a accueilli son plus grand tournoi de tennis pour non-voyants à ce jour, attirant des compétiteurs de douze pays. Rizvi a décroché l’argent, s’inclinant de justesse face au Japonais Yutaro Takahashi dans une finale palpitante qui a démontré l’intensité compétitive de ce sport.
Le match a captivé l’attention médiatique lorsqu’une vidéo d’un échange particulièrement impressionnant de 14 coups est devenue virale sur les réseaux sociaux. « Ce moment a aidé à changer les perceptions, » dit Rizvi avec un sourire. « Les gens ont soudainement réalisé qu’il ne s’agit pas simplement d’une activité récréative – c’est un sport de haute performance qui exige des compétences exceptionnelles. »
Au-delà des aspects compétitifs, le tennis pour non-voyants offre des bénéfices profonds aux participants. Une récente enquête de l’Institut national canadien pour les aveugles a révélé que 82% des personnes malvoyantes participant à des sports adaptés ont signalé une amélioration de leur confiance dans leur mobilité quotidienne et leur indépendance.
Maria Sanchez, qui a commencé à pratiquer le tennis pour non-voyants à 56 ans après avoir perdu la vue à cause d’un glaucome, illustre l’impact plus large de ce sport. « Avant de découvrir le tennis pour non-voyants, je devenais de plus en plus isolée, » explique Sanchez lors d’une clinique communautaire où Rizvi est bénévole comme entraîneur. « Maintenant, j’ai cette merveilleuse communauté et une activité physique qui me garde engagée et active. »
Le plaidoyer de Rizvi s’étend au-delà de l’inclusion paralympique jusqu’à l’accessibilité de base. Il a travaillé avec Tennis Canada pour développer des modules de certification d’entraîneur spécifiques à l’enseignement du tennis pour non-voyants et a contribué à établir des subventions d’équipement pour les centres communautaires qui introduisent ce sport.
« La reconnaissance paralympique accélérerait tout ce que nous construisons, » note Rizvi. « Mais l’objectif véritable est de créer des opportunités pour les personnes ayant des déficiences visuelles de vivre la joie et les bienfaits du tennis à tous les niveaux. »
L’Association internationale de tennis pour non-voyants prévoit que l’inclusion paralympique pourrait devenir réalité pour les jeux de Brisbane 2032, bien que beaucoup espèrent des progrès plus rapides. Entre-temps, Rizvi continue d’équilibrer son programme d’entraînement avec son travail de sensibilisation, ayant récemment rencontré des responsables de Sport Canada pour discuter de voies de financement supplémentaires.
Son entraîneur, l’ancien joueur de Coupe Davis Marcus Wong, estime que l’influence de Rizvi s’étend au-delà du tennis pour non-voyants. « Ce que fait Naqi se répercute dans toute la communauté des sports adaptés, » observe Wong. « Il montre comment le plaidoyer mené par les athlètes peut transformer les paysages sportifs. »
Alors que notre entretien se termine, Rizvi se prépare déjà pour sa prochaine séance d’entraînement. « Chaque fois que quelqu’un découvre le tennis pour non-voyants, que ce soit comme joueur ou spectateur, nous nous rapprochons d’un pas vers l’inclusion paralympique, » dit-il, faisant rebondir une balle à grelot contre sa raquette. « Et ce son – c’est le son du progrès. »