La pression diplomatique sur le premier ministre israélien Benjamin Netanyahu s’est intensifiée hier alors que le Canada a rejoint la France et le Royaume-Uni pour émettre de sévères avertissements concernant l’offensive militaire planifiée par Israël à Rafah. De Washington, la dynamique changeante semble de plus en plus significative, les alliés traditionnels commençant à se fragmenter dans leur approche du conflit à Gaza.
« Toute opération militaire à Rafah serait catastrophique, » a déclaré la ministre des Affaires étrangères du Canada, Mélanie Joly, lors d’une conférence de presse d’urgence. « Nous ne pouvons pas rester les bras croisés pendant que 1,4 million de civils risquent d’être pris dans des combats actifs sans nulle part où aller. »
Ces avertissements surviennent après que Netanyahu a publiquement rejeté les préoccupations internationales plus tôt cette semaine, promettant de poursuivre les opérations à Rafah malgré la pression extérieure. « Israël achèvera l’élimination des bataillons du Hamas à Rafah, avec ou sans accord, » a-t-il déclaré lors d’une allocution télévisée qui a laissé les diplomates dans l’embarras.
Ayant couvert des conflits de Bagdad à Kiev, j’ai rarement été témoin d’une friction aussi ouverte entre Israël et ses soutiens occidentaux traditionnels. Ce qui rend cette confrontation diplomatique unique, c’est à la fois sa nature publique et les conséquences potentielles pour la stabilité régionale.
Selon le coordinateur humanitaire des Nations Unies Jamie McGoldrick, Rafah abrite actuellement plus de la moitié de la population totale de Gaza. « Ce ne sont pas simplement des chiffres sur une page, » m’a confié McGoldrick lors d’un appel de Jérusalem. « Ce sont des familles qui ont déjà été déplacées plusieurs fois, ont épuisé leurs ressources et n’ont nulle part où fuir. »
Les avertissements des alliés occidentaux semblent coordonnés dans leur calendrier mais diffèrent légèrement dans le ton. Le ministère français des Affaires étrangères a menacé de « graves conséquences pour notre relation » si Israël procédait, tandis que le ministre britannique des Affaires étrangères David Cameron a souligné « le risque de conséquences humanitaires catastrophiques. »
La position canadienne reflète une pression intérieure croissante sur le premier ministre Trudeau, dont le gouvernement a fait face à des critiques de la part des partis d’opposition et des groupes de la société civile pour ne pas avoir adopté une position plus ferme plus tôt dans le conflit. Les débats parlementaires sont devenus de plus en plus houleux, plusieurs députés appelant à des sanctions si Israël procède à l’opération de Rafah.
Lors de mes discussions avec des responsables du Département d’État qui ont demandé l’anonymat, l’inquiétude est palpable concernant la situation humanitaire, mais aussi les implications stratégiques. « La question n’est pas seulement Rafah elle-même, mais ce qui vient après, » a expliqué un haut fonctionnaire. « Si Netanyahu procède malgré ces avertissements, quel levier les alliés occidentaux conservent-ils pour les discussions sur la gouvernance post-conflit? »
Le bilan des morts palestiniens à Gaza a dépassé les 34 000 selon le ministère de la Santé de Gaza, des chiffres qui n’ont pas été vérifiés indépendamment mais qui sont cités par la plupart des organisations humanitaires internationales. Pendant ce temps, les responsables israéliens maintiennent que le Hamas continue d’utiliser les infrastructures civiles comme couverture pour des opérations militaires.
Les considérations économiques entrent de plus en plus dans le calcul diplomatique. Les échanges commerciaux de l’Union européenne avec Israël ont totalisé environ 46,8 milliards d’euros en 2022, selon les données d’Eurostat, donnant à des pays comme la France et l’Allemagne un levier économique important. Le commerce bilatéral de marchandises Canada-Israël a atteint près de 1,8 milliard de dollars en 2022, selon les statistiques officielles du gouvernement canadien.
Ce qui reste frappant dans mes conversations avec des diplomates de plusieurs capitales, c’est la frustration croissante face à l’approche de Netanyahu concernant à la fois le conflit et les relations internationales. « Il y a un sentiment qu’il teste délibérément les limites de ce que les alliés toléreront, » a remarqué un diplomate européen basé à Tel-Aviv, s’exprimant sous couvert d’anonymat.
Les développements d’hier se sont produits dans le contexte de négociations de cessez-le-feu qui s’enlisent au Caire, où les représentants du Hamas et les responsables israéliens poursuivent des pourparlers indirects par l’intermédiaire de médiateurs égyptiens et qataris. Des sources proches des négociations indiquent des progrès minimes malgré la pression américaine pour une résolution.
La situation pose des défis particulièrement difficiles pour l’administration Biden, qui a tenté d’équilibrer le soutien à Israël avec des préoccupations humanitaires croissantes. Des responsables américains ont exprimé en privé leur frustration face à l’apparente indifférence de Netanyahu aux conseils américains concernant la protection des civils.
Les civils palestiniens à Rafah décrivent une situation de désespoir croissant. « Nous avons déjà déménagé quatre fois. Il n’y a nulle part où aller, » a expliqué Mahmoud Khaled, un enseignant de 43 ans qui s’abrite désormais dans une installation surpeuplée de l’ONU, s’exprimant via une connexion WhatsApp instable. « Le monde parle pendant que nous attendons de voir si nous survivrons un jour de plus. »
Pour Netanyahu, qui fait face à des pressions politiques intérieures tant de la part des manifestants pour la réforme judiciaire que des partenaires de coalition d’extrême droite, les avertissements internationaux peuvent avoir moins de poids que sa survie politique immédiate. Des sondages récents montrent un soutien décroissant pour sa gestion de la guerre, bien que le soutien aux opérations militaires reste fort parmi le public israélien.
Alors que les tensions s’intensifient, la question devient de savoir si la pression diplomatique se traduira par des contraintes significatives sur l’action militaire. L’histoire suggère qu’Israël procède souvent à des opérations de sécurité malgré les objections internationales, mais le front uni des alliés traditionnels marque un tournant potentiel dans les relations occidentales-israéliennes.
Les jours à venir révéleront si ces avertissements diplomatiques représentent une véritable ligne rouge ou simplement une posture dans un conflit de plus en plus complexe et tragique qui continue de défier les efforts de résolution.