L’air matinal de Sudbury porte une fraîcheur distincte en ce début d’automne, toile de fond d’un moment historique qui se déroule au modeste siège du Centre de planification des services de santé en français sur l’avenue Notre Dame. Le bureau de la Dre Monique Rocheleau révèle une personne en transition—des photos de famille pas encore accrochées, des livres de référence encore dans leurs boîtes, mais sa vision pour l’accès aux soins de santé des Franco-Ontariens déjà pleinement formée.
« Depuis des générations, les Franco-Ontariens ont du mal à recevoir des soins dans leur langue maternelle, » me confie la Dre Rocheleau, ajustant ses lunettes alors qu’elle s’installe dans son rôle de toute première directrice générale du Centre. « Quand on est malade, quand on est vulnérable, c’est là qu’on a le plus besoin de s’exprimer clairement. Pour beaucoup, cela signifie parler français. »
Cette nomination marque une étape importante pour la communauté francophone du Nord de l’Ontario. La Dre Rocheleau, médecin respectée aux racines profondes dans le paysage médical de Sudbury, dirige maintenant un organisme chargé d’assurer un accès équitable aux soins de santé pour plus de 622 000 Franco-Ontariens à travers la province.
Au cours de notre conversation, elle partage l’histoire de Mathieu Thibault, un patient âgé de Chelmsford, près d’ici, qui a peiné lors d’une visite aux urgences l’an dernier avec une maîtrise limitée de l’anglais. « Il ne pouvait pas décrire correctement ses symptômes, » explique-t-elle. « Le diagnostic a été retardé de plusieurs heures. Il ne s’agit pas seulement de confort—il s’agit de la sécurité des patients et des résultats de santé. »
Selon un rapport de 2021 du Commissariat aux services en français, seulement 36 pour cent des Franco-Ontariens déclarent recevoir systématiquement des services de santé en français. Le problème est particulièrement aigu dans les services d’urgence et les soins spécialisés.
« Nous savons par la recherche que les barrières linguistiques peuvent mener à des séjours hospitaliers plus longs, plus de tests diagnostiques et des taux de réadmission plus élevés, » affirme la Dre Rocheleau, en référence à une étude du Journal de l’Association médicale canadienne. « Ce n’est pas seulement une question de préservation culturelle—c’est de la médecine fondée sur des preuves. »
Le mandat du Centre s’étend au-delà de Sudbury, englobant des communautés à travers le Nord de l’Ontario où les populations francophones font souvent face au double défi des barrières linguistiques et de l’isolement géographique. Dans des endroits comme Hearst, où près de 90 pour cent des résidents s’identifient comme francophones, l’infrastructure de santé correspond rarement à la réalité linguistique.
Lors de ma visite à Hearst l’hiver dernier, l’infirmière praticienne Danielle Lemieux a décrit les défis quotidiens : « Nous traduisons constamment—des termes médicaux, des instructions de sortie, des formulaires de consentement. Parfois, nous comptons sur des membres de la famille pour interpréter des informations complexes. Ce n’est pas idéal, et cela crée des risques. »
Les données de Statistique Canada montrent que les Franco-Ontariens, particulièrement les aînés, sont moins susceptibles de rechercher des soins préventifs lorsque les services ne sont pas disponibles en français. Cela crée un inquiétant effet d’onde de diagnostics retardés et d’interventions de santé plus complexes à long terme.
La nomination de la Dre Rocheleau intervient après des décennies d’efforts de plaidoyer par des organismes comme l’Assemblée de la francophonie de l’Ontario. Le Centre lui-même représente une victoire durement gagnée—établi grâce à un financement provincial après des années de mobilisation communautaire.
« Il ne s’agit pas seulement d’embaucher plus de médecins francophones, » explique la Dre Rocheleau. « Il s’agit de créer des systèmes—des formulaires d’admission à la planification des sorties—qui reconnaissent les besoins linguistiques comme fondamentaux à la qualité des soins. »
Les premières initiatives du Centre comprennent un répertoire numérique des services de santé en français, des programmes de formation pour les fournisseurs de soins de santé, et la défense d’une éducation médicale élargie en français. Ils travaillent également avec l’Université Laurentienne pour renforcer les programmes de formation en soins de santé en français.
Marcel Castonguay, directeur général du Centre de santé communautaire Hamilton/Niagara, considère la nomination de la Dre Rocheleau comme transformatrice. « Avoir quelqu’un avec à la fois une expertise clinique et une expérience vécue en tant que Franco-Ontarienne signifie que nous avons enfin un leadership qui comprend l’ensemble du tableau, » m’a-t-il dit lorsque je l’ai appelé pour avoir son point de vue.
Les défis à venir sont considérables. Le système de santé de l’Ontario, déjà sous pression en raison de pénuries de personnel et de contraintes budgétaires, n’est pas toujours réceptif à ce que certains considèrent à tort comme des « accommodements spéciaux » plutôt que des éléments essentiels des soins.
« Nous ne demandons pas des extras, » insiste la Dre Rocheleau. « Nous demandons l’équité—des soins de santé qui servent véritablement tout le monde. »
À la fin de notre conversation, la Dre Rocheleau partage sa motivation personnelle. Ayant grandi dans un foyer francophone à Azilda, elle a été témoin des difficultés de sa grand-mère lors d’un diagnostic de cancer du sein avec des médecins qui ne parlaient pas sa langue. « La peur dans ses yeux quand elle ne pouvait pas comprendre ses options de traitement—ça reste avec vous. »
Par sa fenêtre, le paysage de Sudbury s’étend vers l’horizon—un mélange de développement urbain et des affleurements rocheux distinctifs du Bouclier canadien. C’est une métaphore appropriée pour le travail à venir : un terrain difficile, mais avec des fondations solides.
« La langue n’est pas un luxe dans les soins de santé, » dit la Dre Rocheleau en conclusion. « C’est le fondement de la confiance, de la compréhension et, finalement, de la guérison. Chaque Franco-Ontarien mérite cette dignité fondamentale. »
En quittant le Centre, un groupe d’étudiants en soins infirmiers arrive pour un atelier de compétences cliniques en français—l’avenir des soins de santé bilingues prenant forme en temps réel, une conversation à la fois.