Face à la critique grandissante concernant l’expansion du secteur public canadien, les dirigeants du NPD ont pris position pour défendre ce que de nombreux conservateurs fiscaux qualifient d’expansion insoutenable. En traversant hier le corridor parlementaire, le leader parlementaire du NPD, Peter Julian, a rejeté les allégations de l’opposition selon lesquelles l’embauche dans la fonction publique aurait échappé à tout contrôle.
« Ce que les Canadiens veulent, ce sont des services, » a déclaré Julian aux journalistes rassemblés à l’extérieur de la Chambre des communes. « Ils veulent s’assurer que lorsqu’ils vont à Service Canada, il y a quelqu’un pour les aider avec leur passeport ou leur assurance-emploi. »
Le débat s’intensifie alors que les récents chiffres de Statistique Canada montrent que l’emploi dans l’administration publique a augmenté de 16,2% depuis 2019, ajoutant plus de 86 000 postes. Les critiques conservateurs pointent ces chiffres comme preuve d’un gonflement gouvernemental, tandis que le NPD maintient que cette croissance représente une restauration nécessaire des services.
« Nous reconstruisons ce qui a été coupé, » a expliqué le critique financier du NPD, Daniel Blaikie, lors des discussions en comité la semaine dernière. « Le précédent gouvernement conservateur a supprimé des milliers de postes, laissant les Canadiens attendre des mois pour des services de base. Ce qui ressemble à de la croissance est en fait un rétablissement. »
Dans la circonscription de Vancouver Kingsway, le député néo-démocrate Don Davies a organisé une assemblée publique où les électeurs ont exprimé des sentiments mitigés. « J’apprécie qu’il y ait quelqu’un qui réponde quand j’appelle au sujet de mon RPC, » a déclaré Margaret Winters, enseignante retraitée. « Mais mon fils travaille dans la technologie et se demande pourquoi ses impôts financent ce qu’il appelle ‘la redondance bureaucratique’. » Cette perspective divisée au sein d’une même famille reflète la conversation nationale.
L’expansion du secteur public coïncide avec la croissance démographique du Canada, qui a dépassé les 40 millions l’an dernier selon les données du recensement. Le ministre de l’Immigration, Marc Miller, a suggéré que les augmentations de personnel reflètent en partie cette réalité démographique. « Quand vous accueillez près d’un demi-million de nouveaux arrivants chaque année, vous avez besoin d’une capacité de service correspondante, » a déclaré Miller pendant la période des questions.
Les organismes de surveillance budgétaire ont noté les implications financières. Le directeur parlementaire du budget a rapporté que les coûts de rémunération fédérale ont augmenté de 7,8 milliards de dollars depuis 2020. « Cette trajectoire soulève des questions légitimes sur la viabilité fiscale, » a déclaré l’économiste Trevor Tombe de l’Université de Calgary. « Mais il est également vrai que la prestation de services a souffert des compressions précédentes. »
Au marché Byward d’Ottawa, près de l’endroit où travaillent de nombreux fonctionnaires, le restaurateur Jamal Khouri offre une perspective du secteur privé. « Ces travailleurs sont mes clients, » a-t-il expliqué en préparant le service du midi. « Quand le gouvernement embauche, mon entreprise en bénéficie. Mais je paie aussi des impôts, donc je comprends les deux côtés. »
Le critique financier conservateur Jasdeep Sahota a contesté la défense du NPD, arguant que la technologie devrait permettre une réduction des effectifs, pas une expansion. « D’autres pays numérisent leurs services et deviennent plus efficaces, » a soutenu Sahota. « Le Canada semble coincé dans une mentalité pré-numérique où chaque problème nécessite plus d’embauches. »
Les syndicats de la fonction publique présentent différents points de données. L’Alliance de la fonction publique du Canada a publié des chiffres montrant que malgré la croissance récente, lorsque mesurée en pourcentage de la population desservie, la fonction publique d’aujourd’hui reste plus petite qu’elle ne l’était en 2010. « Ce n’est pas de l’expansion, » a déclaré le président de l’AFPC, Chris Aylward. « C’est à peine suffisant pour suivre les besoins de la population. »
Le débat touche différemment chaque région. À Halifax, les employés du secteur public provincial font face à des gels d’embauche tandis que les départements fédéraux s’agrandissent. « Cela crée une dynamique étrange, » a observé la députée néo-écossaise Claudia Chender. « Les services fédéraux s’améliorent tandis que les services provinciaux sont soumis à des mesures d’austérité. »
Les communautés rurales ressentent particulièrement l’impact des niveaux de service. Dans le nord du Manitoba, l’ancien conseiller de bande Robert Beardy décrit un trajet de trois heures pour atteindre les bureaux de Service Canada. « Quand ils parlent de réduire ou d’élargir le gouvernement, ce n’est pas abstrait pour nous, » a déclaré Beardy. « Il s’agit de savoir si nous pouvons accéder à nos prestations sans prendre une journée de congé. »
Certains dirigeants municipaux ont proposé un terrain d’entente. La mairesse de Calgary, Jyoti Gondek, a suggéré une croissance ciblée dans les postes de service tout en réduisant les rôles administratifs. « Le public ne se soucie pas des organigrammes, » a noté Gondek lors de la conférence de la Fédération canadienne des municipalités. « Ils se soucient d’obtenir des services efficacement. »
À l’approche de la saison budgétaire, la défense par le NPD de la croissance du secteur public fera l’objet d’un examen accru. La présidente du Conseil du Trésor, Anita Anand, a promis un « examen stratégique » des dépenses, bien que les critiques se demandent si des contraintes significatives émergeront.
Pour de nombreux Canadiens pris entre la frustration face à l’inefficacité gouvernementale et l’appréciation pour l’amélioration des services, la question défie les positions partisanes simples. Comme l’a dit Sam Goodwin, retraité de Toronto, en attendant à un bureau de Service Canada: « Je me fiche du nombre de personnes qu’ils embauchent. Je veux juste que mon passeport soit renouvelé avant ma croisière le mois prochain. »
Le débat reflète finalement des visions concurrentes du rôle du gouvernement dans la société canadienne. La défense du NPD se concentre sur la prestation de services et la stabilisation économique, tandis que les partis d’opposition remettent en question la durabilité et la nécessité d’une croissance continue. Alors que les ministères fédéraux planifient leurs niveaux de dotation pour 2024, les Canadiens observeront pour voir quelle vision l’emportera.