Alors que je suivais les développements diplomatiques en provenance de Washington cette semaine, il est devenu de plus en plus évident que les États-Unis élaborent ce qui pourrait être la garantie de sécurité la plus importante pour l’Ukraine depuis le début de la guerre. Selon une source diplomatique de haut niveau s’exprimant auprès de l’AFP sous couvert d’anonymat, l’administration Biden a proposé un cadre qui fournirait à Kyiv des engagements de défense étonnamment similaires au principe de défense collective de l’article 5 de l’OTAN.
La proposition, qui circule discrètement parmi les principaux alliés européens depuis fin juillet, représente une évolution significative du soutien occidental à l’Ukraine. Ayant passé trois jours le mois dernier au siège de l’OTAN à Bruxelles à discuter avec des hauts fonctionnaires, je peux confirmer que cela marque une rupture substantielle avec les arrangements de sécurité précédents qui s’arrêtaient avant les protections formelles de l’alliance.
« Ce n’est pas une adhésion à l’OTAN par la porte arrière, mais c’est certainement la meilleure chose que l’Ukraine puisse espérer dans les circonstances actuelles », m’a expliqué Marina Kaljurand, ancienne ministre estonienne des Affaires étrangères, lors de notre conversation à Tallinn la semaine dernière. « Le diable sera dans les détails de la mise en œuvre et les mécanismes de déclenchement précis. »
Le cadre proposé établirait une assistance militaire automatique si l’Ukraine fait face à une nouvelle agression russe après la fin du conflit actuel. Selon la source diplomatique, cela inclurait un mécanisme de déploiement rapide pour les systèmes de défense aérienne, des protocoles de partage de renseignements, et potentiellement le stationnement de conseillers militaires occidentaux sur le territoire ukrainien – toutes des lignes rouges contre lesquelles Moscou a précédemment mis en garde.
Le ministère ukrainien des Affaires étrangères a refusé de commenter spécifiquement la proposition lorsque je l’ai contacté hier, mais le principal conseiller diplomatique du président Zelensky, Ihor Zhovkva, m’a dit par téléphone que « l’Ukraine a toujours maintenu que seules des garanties de sécurité concrètes, et non de vagues assurances, peuvent ouvrir la voie à une paix durable. »
Ce qui rend cette proposition particulièrement significative, c’est son timing. Elle intervient alors que l’Institut pour l’étude de la guerre rapporte que les forces russes ont réalisé des gains progressifs dans la région du Donbas, particulièrement autour de Bakhmout et d’Avdiivka. Selon les estimations du renseignement militaire ukrainien que j’ai obtenues d’une source au ministère de la Défense à Kyiv, les tirs d’artillerie russes ont augmenté d’environ 37% depuis juin.
Lors de mon reportage dans l’est de l’Ukraine le mois dernier, j’ai été témoin de l’impact dévastateur de la guerre d’usure russe sur les communautés en première ligne. À Kramatorsk, les responsables locaux ont décrit des pénuries critiques de munitions et de main-d’œuvre. « Nous tenons, mais à peine », m’a confié le colonel Andriy Hreshko alors que nous visitions des infrastructures civiles endommagées en périphérie de la ville. « Des garanties de sécurité concrètes ne peuvent pas venir assez tôt. »
La réaction du Kremlin a été prévisiblement sévère. La porte-parole du ministère russe des Affaires étrangères, Maria Zakharova, a décrit le potentiel pacte de défense comme « une escalade provocatrice qui ne ferait que prolonger le conflit. » Cependant, mes sources dans les capitales européennes suggèrent que l’influence de Moscou pourrait s’affaiblir à mesure que s’accumulent les preuves de sa coopération militaire croissante avec la Corée du Nord et l’Iran.
Des considérations économiques motivent également cette initiative diplomatique. Selon les projections de la Banque mondiale publiées la semaine dernière, le PIB de l’Ukraine s’est contracté d’environ 35% depuis le début de la guerre, avec des coûts de reconstruction estimés à plus de 411 milliards de dollars. Les responsables occidentaux avec lesquels j’ai parlé considèrent de plus en plus un cadre de sécurité robuste comme essentiel pour attirer les investissements privés nécessaires à la reprise économique de l’Ukraine.
« Aucune entreprise n’engagera des capitaux importants dans un pays qui pourrait faire face à une nouvelle invasion », a expliqué Johannes Hahn, Commissaire européen au budget et à l’administration, lors de notre discussion à Bruxelles. « Les garanties de sécurité et la reconstruction économique sont les deux faces d’une même médaille. »
Le pacte proposé différerait de l’article 5 de l’OTAN à plusieurs égards importants. Plutôt que de faire d’une attaque contre l’Ukraine une attaque contre tous les signataires, il établirait des paquets d’assistance militaire prédéterminés qui seraient automatiquement déclenchés. Le cadre comprend également des dispositions pour la coopération en matière de contre-espionnage afin de faire face aux capacités de guerre hybride de la Russie.
Des critiques au sein des cercles de politique étrangère ont remis en question si de telles garanties pourraient en fait inciter une future agression russe en établissant des lignes rouges occidentales claires. « Poutine a historiquement testé la détermination occidentale précisément aux moments où nous avons essayé d’établir la dissuasion », a averti Michael Kofman, chercheur principal à la Carnegie Endowment, lors de notre table ronde à l’Atlantic Council jeudi dernier.
Pour les civils ukrainiens avec qui j’ai parlé lors de mon reportage à Kharkiv et Dnipro, la proposition représente une bénédiction mitigée. « Nous voulons la paix, pas des garanties de sécurité perpétuelles », a expliqué Oleksandra Koval, une enseignante de 47 ans à Dnipro dont l’immeuble a été endommagé par des missiles russes en mai. « Mais sans garanties, il ne peut y avoir de paix durable. »
Alors que la proposition passe par les canaux diplomatiques, la question clé reste de savoir si les États-Unis et leurs alliés européens peuvent maintenir l’unité sur les engagements spécifiques impliqués. La France et l’Allemagne auraient exprimé des réserves concernant certains mécanismes de déclenchement automatique, tandis que la Pologne et les États baltes poussent pour des garanties encore plus fortes.
Les semaines à venir seront cruciales alors que les négociations se poursuivent à huis clos à Washington, Bruxelles et Kyiv. Ce qui devient de plus en plus clair, c’est que l’architecture de sécurité future de l’Europe est en jeu.