J’ai récemment surveillé les allées des supermarchés à la recherche de tendances, et quelque chose a attiré mon attention lors de la dernière conférence téléphonique sur les résultats de Metro. Entre les produits saisonniers et les aliments surgelés, un changement subtil s’opère dans la façon dont les Canadiens approchent leurs achats.
« Quand les coûts augmentent, les consommateurs modifient généralement leurs comportements, » a noté Éric La Flèche, PDG de Metro, lors de la discussion sur les résultats trimestriels de l’entreprise. Son observation va droit au cœur de ce que de nombreux analystes du commerce de détail ont observé : le mouvement « Achetez Canadien » qui a pris un élan considérable pendant les perturbations de la chaîne d’approvisionnement liées à la pandémie perd maintenant de la vitesse.
Cette tendance au refroidissement offre une fenêtre fascinante sur la façon dont les pressions économiques remodèlent la fidélité des consommateurs. Alors que de nombreux acheteurs ont initialement adopté les produits canadiens par sentiment patriotique et en raison des préoccupations liées à la chaîne d’approvisionnement, l’inflation persistante a forcé des reconsidérations pratiques. Metro, qui exploite plus de 950 magasins d’alimentation sous des enseignes comme Metro, Food Basics et Super C, suit de près ces changements dans les habitudes d’achat.
« Le consommateur est toujours sous pression à cause de l’inflation, » a expliqué La Flèche. « Ils cherchent donc à réduire leurs dépenses, à trouver des spéciaux et des promotions. »
Son évaluation correspond à ce que les économistes de RBC ont noté dans les rapports sur les dépenses des consommateurs. Le suivi des dépenses de consommation de la banque montre que les Canadiens deviennent de plus en plus sensibles aux prix dans toutes les catégories de vente au détail, les habitudes d’achat en épicerie étant particulièrement vulnérables aux prix promotionnels plutôt qu’aux allégations d’origine.
Le déclin du mouvement Achetez Canadien ne se produit pas isolément. Il coïncide avec une inflation alimentaire qui, bien qu’en baisse par rapport à son pic, s’établissait encore à 2,3% en glissement annuel en mars selon Statistique Canada. Cette pression persistante sur les budgets des ménages a créé ce que Bruce Winder, consultant en commerce de détail, appelle une « dépendance aux promotions » chez les acheteurs canadiens.
« Les consommateurs développent ces mécanismes de défense en matière d’achats pendant les périodes inflationnistes, » m’a confié Winder la semaine dernière. « Ils s’habituent à rechercher des aubaines avant tout, et ce comportement ne s’arrête pas immédiatement lorsque l’inflation se modère. »
Ce qui rend cette tendance particulièrement remarquable, c’est la contradiction entre ce que les consommateurs disent et ce qu’ils font. Un récent sondage Angus Reid a révélé que 78% des Canadiens affirment que soutenir les produits nationaux est important pour eux, mais les données de vente des principaux épiciers montrent que le prix l’emporte de plus en plus sur l’origine lorsque les acheteurs sortent leur portefeuille.
L’expérience de Metro reflète des changements plus larges dans le paysage de la vente au détail alimentaire au Canada. Des concurrents comme Loblaw et Empire (Sobeys) ont également noté que les consommateurs se tournent vers les marques maison et les articles en promotion plutôt que de payer des prix plus élevés pour des produits canadiens. Ce changement survient malgré le fait que toutes les grandes chaînes ont investi massivement dans des campagnes marketing « d’approvisionnement local » au cours des trois dernières années.
Pour les producteurs canadiens, cela présente des défis complexes. Beaucoup ont augmenté leurs opérations pour répondre à la hausse de la demande de produits nationaux pendant la pandémie, réalisant d’importants investissements en capacité. Les Producteurs de fruits et légumes du Canada rapportent que les exploitations membres ont augmenté leur capacité de production d’environ 15% entre 2020 et 2022, anticipant une croissance continue de la demande intérieure.
« Il y avait un optimisme sincère que nous avions assisté à un changement permanent dans les préférences des consommateurs, » explique Rebecca Lee, directrice exécutive du Conseil canadien de l’horticulture. « Maintenant, les producteurs font face à la réalité que la sensibilité aux prix reste le facteur dominant pour la plupart des ménages. »
L’économie derrière ce pivot des consommateurs est simple. Avec des renouvellements d’hypothèques à des taux plus élevés et des dettes de cartes de crédit atteignant des niveaux record, les budgets des ménages sont sous une pression intense. Le ménage canadien moyen dépense maintenant environ 1 300 $ par mois en épicerie selon l’indice d’abordabilité de BDO Canada – une augmentation de plus de 20% par rapport aux niveaux d’avant la pandémie.
Cette situation crée ce que les économistes appellent « l’élasticité des préférences » – la rapidité avec laquelle les préférences déclarées des consommateurs changent lorsque les conditions économiques évoluent. L’expérience de Metro suggère que, bien que les Canadiens valorisent sincèrement les produits nationaux, cette préférence a une forte élasticité lorsque les finances des ménages se resserrent.
Pour des épiciers comme Metro, ce changement nécessite une agilité opérationnelle. La Flèche a noté que l’entreprise a augmenté ses activités promotionnelles et élargi son offre de marques maison pour répondre à la demande des consommateurs en matière de valeur. L’entreprise a rapporté que les ventes de ses marques maison ont augmenté de 18% par rapport au même trimestre de l’année précédente.
« Les consommateurs recherchent de la valeur, et nous ajustons nos stratégies en conséquence, » a déclaré La Flèche. Cette adaptation s’étend au-delà des prix pour inclure l’aménagement des magasins, Metro redessinant certains emplacements pour mettre davantage en valeur les offres économiques.
Ce qui est particulièrement révélateur, c’est la façon dont cette tendance se manifeste dans différents groupes démographiques. Les données internes de Metro montrent que les ménages à revenu élevé maintiennent une plus forte fidélité aux produits canadiens, tandis que les consommateurs à revenu moyen montrent le déclin le plus marqué dans les achats nationaux. Cette bifurcation suggère que le mouvement Achetez Canadien pourrait persister comme un segment premium plutôt que comme un phénomène de marché de masse.
Les implications vont au-delà du commerce de détail. Les efforts politiques visant à renforcer la sécurité alimentaire canadienne et à réduire la dépendance aux importations font face à des vents contraires si les consommateurs privilégient les économies immédiates plutôt que le renforcement des capacités nationales à long terme. Plusieurs gouvernements provinciaux, dont l’Ontario et le Québec, ont introduit des programmes pour promouvoir les systèmes alimentaires locaux, mais ces initiatives peinent lorsque la sensibilité aux prix domine la prise de décision des consommateurs.
Pour l’avenir, les observateurs de l’industrie prévoient que cette tendance se poursuivra tout au long de 2024, les consommateurs s’adaptant à ce qui semble être une « nouvelle normalité » de coûts globalement plus élevés. La grande question pour les producteurs et détaillants canadiens est de savoir si le mouvement Achetez Canadien rebondira lorsque les pressions inflationnistes s’atténueront, ou si la conscience des prix restera le comportement d’achat dominant.
Pour l’instant, Metro et d’autres grands épiciers parient sur cette dernière hypothèse, ajustant leurs stratégies de marchandisage et de chaîne d’approvisionnement en conséquence. La romance de l’Achetez Canadien semble céder la place aux réalités pratiques de l’économie des ménages – un changement qui nous en dit long sur les limites réelles du nationalisme des consommateurs en période économique difficile.