L’économie canadienne a montré des signes inquiétants de faiblesse alors que les chiffres du PIB de mai ont confirmé ce que plusieurs économistes avaient prédit – un ralentissement est en cours. Statistique Canada a rapporté que l’économie s’est contractée de 0,2 % en mai, prolongeant la stagnation d’avril et soulevant des questions quant à savoir si le plan agressif de réduction des taux de la Banque du Canada sera suffisant pour prévenir une détérioration plus importante.
Pour les Canadiens ordinaires qui luttent déjà contre des factures d’épicerie et des coûts de logement obstinément élevés, cette contraction représente plus qu’une simple statistique. Le ralentissement était généralisé, touchant de multiples secteurs et suggérant des problèmes structurels sous-jacents au-delà des facteurs saisonniers.
« Ce que nous observons n’est pas qu’un simple soubresaut – c’est un ralentissement significatif dans plusieurs industries clés, » explique Royce Mendes, directeur général et chef de la stratégie macro chez Desjardins. « Le secteur manufacturier, le commerce de détail, et même certains secteurs des services montrent des signes de tension. »
Le secteur manufacturier a été particulièrement touché, se contractant de 1,6 % alors que la production de biens durables et non durables a chuté. Les planchers d’usines à travers l’Ontario et le Québec sont devenus plus silencieux alors que la demande des consommateurs diminue et que les entreprises retiennent leurs investissements face à l’incertitude.
Le commerce de détail a baissé de 0,7 %, poursuivant une tendance préoccupante alors que les Canadiens se serrent la ceinture. Après ajustement pour l’inflation, les ventes au détail n’ont essentiellement pas bougé depuis près de trois ans – un indicateur frappant de l’étirement des budgets des ménages sous le poids des taux d’intérêt plus élevés et de l’inflation persistante.
Même le secteur des services, habituellement résistant, a montré des faiblesses, avec le transport et l’entreposage en baisse de 0,5 %. Les seuls points positifs significatifs provenaient des secteurs publics et des services publics, difficilement les moteurs de croissance nécessaires pour une économie robuste.
Le gouverneur de la Banque du Canada, Tiff Macklem, fait maintenant face à un exercice d’équilibre délicat. Après avoir réduit les taux de 25 points de base en juin et enchaîné avec une réduction plus importante de 50 points de base en juillet, les marchés prévoient un assouplissement plus agressif d’ici la fin de l’année. La propre prévision de la banque centrale d’une croissance de 1,2 % pour 2024 semble désormais de plus en plus optimiste.
« La Banque du Canada est passée de la lutte contre l’inflation à la prévention d’un atterrissage plus difficile, » note Benjamin Reitzes, directeur général des taux canadiens chez BMO Marchés des capitaux. « La question n’est pas de savoir s’ils réduiront à nouveau les taux en septembre, mais de combien. »
Il y avait de modestes signes d’espoir dans l’estimation préliminaire de Statistique Canada pour juin, qui indiquait un rebond potentiel de 0,2 %. Cependant, cela laisserait encore la croissance du deuxième trimestre essentiellement plate – loin de la reprise robuste que beaucoup espéraient avec la baisse des taux d’intérêt.
Pour les propriétaires de petites entreprises comme Mira Patel, qui gère un magasin d’articles ménagers dans la région du Grand Toronto, les chiffres confirment ce qu’elle vit personnellement. « L’achalandage est en baisse, et quand les gens viennent, ils sont beaucoup plus sélectifs dans leurs achats, » me dit-elle lors d’une récente visite. « Il y a trois ans, ils venaient pour une chose et repartaient avec trois. Maintenant, ils s’en tiennent strictement à leur liste. »
La réaction du marché immobilier à la baisse des taux a été tiède au mieux. Bien que les reventes aient montré des signes de vie en juin et juillet, la construction reste modérée. Les mises en chantier ont chuté de 6 % en juin par rapport au mois précédent, selon les données de la Société canadienne d’hypothèques et de logement, suggérant que les constructeurs restent prudents malgré l’amélioration de l’environnement des taux d’intérêt.
Pour le dollar canadien, qui s’est déjà affaibli par rapport à son homologue américain cette année, la contraction du PIB ajoute une pression à la baisse supplémentaire. Les cambistes parient que la Banque du Canada devra réduire ses taux plus agressivement que la Réserve fédérale américaine, élargissant potentiellement les écarts de taux d’intérêt entre les deux pays.
Le contexte plus large compte aussi. L’économie canadienne a constamment sous-performé par rapport aux États-Unis au cours de la dernière année. Alors que le PIB américain a augmenté à un taux annualisé surprenant de 2,8 % au deuxième trimestre, le Canada semble bloqué au point mort ou possiblement en marche arrière.
Une partie du défi du Canada réside dans la croissance de la productivité – ou plutôt, son absence. La productivité du travail a diminué pendant huit trimestres consécutifs, une série sans précédent dans l’histoire économique canadienne moderne. Cette faiblesse fondamentale rend plus difficile pour l’économie de générer une croissance non inflationniste, même avec la baisse des taux d’intérêt.
« Nous avons des problèmes structurels qui vont au-delà de la politique monétaire, » soutient Pedro Antunes, économiste en chef au Conference Board du Canada. « L’immigration a stimulé nos chiffres globaux du PIB, mais sur une base par habitant, les Canadiens se sont appauvris. »
Les mois à venir seront critiques. La Banque du Canada se réunit à nouveau en septembre, et les attentes du marché ont évolué vers une autre réduction de 50 points de base. Mais comme d’autres banques centrales, y compris la Réserve fédérale, pivotent également vers l’assouplissement, le paysage concurrentiel reste difficile.
Pour les travailleurs, le ralentissement ne s’est pas encore traduit par des pertes d’emplois généralisées – le chômage reste relativement bas à 6,4 %. Cependant, la création d’emplois a considérablement ralenti par rapport à 2023, et davantage d’entreprises signalent réduire leurs plans d’embauche.
Le gouvernement fédéral fait face à ses propres défis avec un déficit structurel et une marge de manœuvre fiscale limitée pour fournir des stimuli. La ministre des Finances, Chrystia Freeland, a souligné la nécessité d’une rigueur fiscale, même si la croissance économique déçoit.
Alors que l’été fait place à l’automne, les Canadiens se trouvent à un carrefour économique. Les réductions de taux qui ont commencé en juin étaient censées marquer le début d’une phase de reprise. Au lieu de cela, la contraction de mai suggère que les défis économiques vont au-delà des seuls taux d’intérêt élevés.
Pour les Canadiens ordinaires qui espèrent un soulagement des pressions financières, la voie à suivre reste incertaine. Des taux hypothécaires plus bas offriront éventuellement une certaine marge de manœuvre aux propriétaires, mais le malaise économique plus large pourrait limiter les opportunités d’emploi et la croissance des salaires.
Les mois à venir détermineront si le Canada connaît un ralentissement temporaire ou le début d’une période plus prolongée de faiblesse économique. Dans un cas comme dans l’autre, tant les décideurs politiques que les ménages seraient bien avisés de se préparer à une route cahoteuse.