Les récents appels en faveur d’une stratégie nationale de développement des ressources n’ont jamais été aussi urgents. Alors que notre pays fait face à des pressions économiques croissantes—de l’abordabilité du logement au financement des soins de santé—nous sommes assis sur un paradoxe qui déconcerterait les économistes partout ailleurs : une richesse naturelle considérable à côté d’une productivité et d’un niveau de vie stagnants.
Ayant couvert le monde des affaires canadien pendant près de deux décennies, j’ai observé nos conversations sur le développement des ressources devenir de plus en plus polarisées, manquant ce juste milieu pragmatique où la prospérité se réalise véritablement.
Le Conseil des affaires de la Colombie-Britannique a récemment publié un plaidoyer convaincant pour ce qu’ils appellent un « grand compromis » afin de libérer la prospérité canadienne. C’est une proposition qui mérite une attention sérieuse, d’Ottawa à la rue Bay jusqu’aux tables de cuisine à travers le pays.
« Le Canada doit élever l’importance stratégique de ses industries de ressources et utiliser notre richesse en ressources pour financer la transition vers une économie à faible émission de carbone, » écrit Jock Finlayson, conseiller principal en politiques du Conseil. Il ne s’agit pas d’exploitation des ressources sous un nouveau langage—c’est une reconnaissance que nos objectifs environnementaux et économiques doivent s’aligner, non s’opposer.
Le principe fondamental est simple mais profond : développer les ressources canadiennes de manière responsable, générer d’importantes recettes gouvernementales, et diriger une portion significative vers des initiatives climatiques et des priorités sociales. Mais pourquoi maintenant?
D’une part, la demande mondiale pour les minéraux critiques nécessaires aux technologies d’énergie propre explose. L’Agence internationale de l’énergie estime que la demande pour des minéraux comme le lithium, le graphite et le cuivre pourrait augmenter de 500% d’ici 2050. Le Canada possède ces ressources en abondance.
Mais nos concurrents n’attendent pas. L’Australie—avec des structures de gouvernance et des valeurs environnementales similaires—approuve des projets miniers majeurs en 18-24 mois. Le Canada? Essayez plutôt 5-15 ans. Il ne s’agit pas de négligence environnementale—mais d’efficacité et de clarté.
Ken Coates, professeur de politique publique à l’Université de la Saskatchewan, m’a confié lors d’une récente entrevue : « Nous avons créé un système tellement complexe et imprévisible que même les projets avec de solides partenariats autochtones et des normes environnementales de classe mondiale ne peuvent pas s’y retrouver avec certitude. »
L’opportunité économique est stupéfiante. Le Conseil des affaires estime qu’un cadre de développement des ressources plus efficace pourrait générer plus de 200 milliards de dollars de PIB supplémentaire sur une décennie—environ 5 000 $ par Canadien. Ce n’est pas une mince affaire quand les budgets des ménages sont serrés.
Les critiques diront que cette approche ne fait que doubler la mise sur les industries extractives alors que nous devrions nous en éloigner. Mais cela mécomprend à la fois les transitions énergétiques mondiales et les réalités économiques.
« La transition vers la neutralité carbone sera minérale-intensive, » explique Margareta Dovgal, directrice exécutive de Resource Works. « Nous pouvons soit importer ces minéraux de juridictions aux normes inférieures, soit les produire ici avec une gouvernance environnementale et sociale de premier plan. »
La participation économique autochtone forme un autre pilier crucial de cette stratégie. La Coalition des Premières Nations pour les grands projets représente maintenant plus de 90 communautés autochtones cherchant des participations significatives dans le développement des ressources. Leur présidente, la Chef Sharleen Gale de la Première Nation de Fort Nelson, a souligné à maintes reprises que « les Premières Nations ne s’opposent pas au développement—nous nous opposons à être exclues du développement. »
La caractéristique la plus convaincante de la stratégie des ressources pourrait être son mécanisme de financement potentiel pour les priorités canadiennes. Le Conseil propose de diriger 25% des revenus de ressources supplémentaires vers des initiatives climatiques, 25% vers la réconciliation économique autochtone, et le reste vers la réduction de la dette et les programmes sociaux.
Ce n’est pas théorique. Le fonds souverain de la Norvège, constitué des revenus pétroliers, détient maintenant plus de 1,4 billion de dollars d’actifs—environ 260 000 $ par citoyen norvégien. Bien que les circonstances du Canada diffèrent, le principe demeure : la richesse des ressources peut être transformée en actifs intergénérationnels.
Qu’est-ce qui fait obstacle? Principalement, l’incertitude politique et la complexité réglementaire. Des projets comme l’expansion de l’oléoduc Trans Mountain ont vu leurs coûts passer de 7,4 milliards à plus de 30 milliards de dollars, en partie en raison des retards réglementaires et des exigences changeantes.
« Les investisseurs ont besoin de prévisibilité, » affirme Heather Exner-Pirot, analyste en politique des ressources avec qui j’ai parlé le mois dernier. « Le capital va là où il est bienvenu et reste là où il est bien traité. Le Canada s’est forgé une réputation pour ni l’un ni l’autre. »
La clé de ce grand compromis est de trouver un terrain d’entente entre la protection environnementale, les droits autochtones et le développement économique. Ce n’est pas facile, mais l’alternative—une polarisation continue et des opportunités manquées—ne sert personne.
Les défenseurs de l’environnement devraient reconnaître que les objectifs climatiques mondiaux nécessitent des minéraux que le Canada possède. Les leaders d’entreprises doivent embrasser les partenariats autochtones et les normes environnementales de premier plan. Et les gouvernements doivent créer des processus réglementaires clairs et efficaces qui maintiennent des normes rigoureuses sans échéanciers interminables.
La proposition du Conseil des affaires requiert un engagement sérieux de toutes les parties prenantes. Mais elle offre quelque chose de de plus en plus rare dans les discussions politiques canadiennes : une voie qui n’impose pas de faux choix entre environnement et économie, mais reconnaît plutôt leur interdépendance.
Alors que nos concurrents agissent de manière décisive pour assurer leur place dans l’économie des ressources du futur, le Canada risque d’être laissé pour compte—non pas parce que nous manquons de ressources, de talent ou de valeurs, mais parce que nous manquons de volonté collective pour trouver des solutions pragmatiques.
Une stratégie nationale des ressources ne résoudrait pas tous nos défis économiques du jour au lendemain. Mais elle pourrait transformer des actifs sous-performants en outils pour aborder nos problèmes les plus pressants tout en positionnant le Canada pour un leadership dans une économie mondiale en mutation.
La question n’est pas de savoir si nous pouvons nous permettre de poursuivre une telle stratégie. Compte tenu des pressions croissantes sur notre niveau de vie, c’est plutôt de savoir si nous pouvons nous permettre de ne pas le faire.