À première vue, cela semblait banal—juste une autre lettre ministérielle de soutien à un leader communautaire. Mais la correspondance entre le ministre canadien de la Sécurité publique et un homme signalé pour des liens présumés avec une organisation terroriste désignée a déclenché d’importantes préoccupations concernant les procédures de vérification aux plus hauts niveaux du gouvernement.
J’ai passé la semaine dernière à examiner des documents et à interroger des sources après que Global News a révélé que le ministre de la Sécurité publique Dominic LeBlanc avait écrit des lettres soutenant Abdul Hakim Dalili, que les services de renseignement avaient précédemment lié au groupe terroriste Hezb-e Islami Gulbuddin (HIG). Cette organisation, dirigée par Gulbuddin Hekmatyar, a été désignée comme entité terroriste par les États-Unis en 2003.
« Le ministre n’était pas au courant des préoccupations concernant M. Dalili lorsqu’il a écrit ces lettres, » m’a expliqué un porte-parole du bureau de LeBlanc. Ils ont souligné que les lettres étaient des « références de caractère » plutôt que des interventions en matière de sécurité.
Mais Phil Gurski, ancien analyste stratégique du SCRS, voit les choses différemment. « Cela soulève de sérieuses questions sur la circulation de l’information entre nos agences de sécurité et les bureaux ministériels, » a expliqué Gurski lors de notre entretien. « Le ministre de la Sécurité publique, plus que quiconque, devrait avoir accès à des briefings de sécurité complets sur les individus liés à des groupes terroristes avant de fournir des appuis officiels. »
La controverse porte sur deux lettres écrites par LeBlanc en 2023. Le ministre y décrit Dalili comme quelqu’un qui « travaille sans relâche pour bâtir des ponts entre les communautés » et loue ses contributions au Canada. Ce qui rend cette situation particulièrement troublante, c’est que Dalili se serait vu refuser l’autorisation de sécurité pour travailler dans les aéroports canadiens en raison de liens présumés avec le HIG.
Des documents judiciaires de la Cour fédérale du Canada révèlent qu’en 2018, les agents de l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) avaient signalé Dalili lors d’un contrôle de sécurité. Selon le dossier, « les informations fournies par le Service canadien du renseignement de sécurité indiquaient que M. Dalili était membre ou significativement associé à une organisation terroriste connue. »
Les lettres ont déclenché un débat sur la responsabilité ministérielle et les processus de vérification pour ceux qui reçoivent des appuis gouvernementaux. Le député conservateur Jasraj Singh Hallan a qualifié la situation de « profondément préoccupante » et a exigé des explications du gouvernement libéral.
« Nous confions à notre appareil de sécurité la tâche d’identifier les menaces, mais à quoi sert ce renseignement s’il n’atteint pas les bureaux des décideurs? » a demandé Leah West, experte en droit de la sécurité nationale à l’Université Carleton, lorsque je lui ai parlé hier. « Ce cas met en évidence des lacunes potentielles dans la façon dont les informations de sécurité sont partagées au sein du gouvernement. »
Le HIG, fondé par Hekmatyar à la fin des années 1970, a initialement reçu le soutien des pays occidentaux pendant la guerre soviéto-afghane. Cependant, le groupe s’est plus tard aligné avec les talibans et a été impliqué dans de nombreuses attaques contre les forces de coalition en Afghanistan. Les États-Unis ont retiré le HIG de leur liste terroriste en 2017 après un accord de paix avec le gouvernement afghan, mais les préoccupations concernant les activités de membres individuels ont persisté.
J’ai examiné les documents à en-tête ministériel obtenus par des demandes d’accès à l’information. Une lettre, datée de mars 2023, approuve spécifiquement le rôle de leadership de Dalili dans la communauté afghane au Canada. LeBlanc a écrit que Dalili « a démontré un dévouement exceptionnel à favoriser le dialogue interculturel. »
Lorsqu’on lui a demandé de commenter, Dalili a nié tout lien avec des activités terroristes. « Ces allégations me poursuivent depuis des années sans fondement, » a-t-il déclaré lors d’une brève conversation téléphonique. « Je suis venu au Canada comme réfugié cherchant la sécurité et je n’ai travaillé qu’à construire la paix dans ma communauté. »
Les responsables gouvernementaux ont maintenant reconnu que les protocoles de sécurité appropriés n’ont pas été suivis. Un haut fonctionnaire qui a demandé l’anonymat m’a dit que « typiquement, toute personne recevant un appui ministériel subit au moins une vérification de sécurité de base. Cela ne semble pas avoir été le cas ici. »
Le bureau du Premier ministre est resté largement silencieux sur la question, renvoyant les questions au bureau du ministre de la Sécurité publique.
L’ancien commissaire de la GRC, Bob Paulson, que j’ai contacté par courriel, a noté que cet incident révèle des vulnérabilités dans les opérations ministérielles. « Les ministres s’appuient fortement sur leur personnel pour filtrer et vérifier les informations. Quand ce système échoue, cela crée non seulement un embarras politique mais aussi des risques potentiels pour la sécurité, » a écrit Paulson.
L’Association canadienne des libertés civiles a mis en garde contre les jugements hâtifs. « Bien que préoccupante, nous devons équilibrer les considérations de sécurité avec la nécessité de s’assurer que les individus ne sont pas injustement étiquetés sur la base d’associations qui peuvent être ténues ou dépassées, » a déclaré Noa Mendelsohn Aviv, directrice générale de l’association.
Le gouvernement a lancé un examen interne des procédures de vérification pour la correspondance ministérielle. Selon des sources familières avec le processus, l’examen examinera comment les informations de sécurité sont partagées entre les agences de renseignement et les bureaux ministériels.
Cet incident survient à un moment délicat pour l’appareil de sécurité nationale du Canada, qui est aux prises avec des préoccupations d’ingérence étrangère et la surveillance des menaces potentielles à la sécurité. Le rapport public 2023 du Service canadien du renseignement de sécurité a souligné le défi permanent d’identifier les individus ayant des liens avec des entités terroristes tout en respectant les libertés civiles.
Alors que cette histoire continue de se développer, la question fondamentale demeure : comment le ministre responsable de la sécurité nationale du Canada en est-il venu à appuyer publiquement quelqu’un signalé par les agences de renseignement de son propre ministère? La réponse pourrait révéler d’importantes vérités sur les lacunes entre nos systèmes d’information de sécurité et les processus de prise de décision politique.
Pour les Canadiens préoccupés par la sécurité nationale, ce cas sert de rappel que même aux plus hauts niveaux du gouvernement, les systèmes conçus pour nous protéger échouent parfois de manière étonnamment élémentaire.