Ces derniers mois ont ressemblé à un véritable coup de fouet économique pour les Canadiens qui surveillent leur portefeuille et les entreprises qui examinent leurs résultats. Avec une inflation qui se refroidit mais reste tenace, et un marché immobilier qui envoie des signaux contradictoires, cette semaine apporte plusieurs moments cruciaux qui pourraient façonner notre paysage économique à l’approche de l’été.
Allons à l’essentiel et concentrons-nous sur ce qui compte vraiment dans le monde des affaires canadien cette semaine.
Statistique Canada dévoile ses chiffres d’inflation d’avril mardi, et ce taux est devenu une sorte d’obsession nationale. Après que le rapport de mars ait montré une inflation à 2,9%, de nombreux économistes observent attentivement pour voir si nous atteindrons enfin la cible convoitée de 2% de la Banque du Canada.
« Nous observons une désinflation dans les biens, mais l’inflation des services demeure persistante, » explique Avery Shenfeld, économiste en chef chez CIBC Marchés des capitaux. « Le retour à la cible n’est pas un chemin en ligne droite. »
Ce qui mérite particulièrement d’être surveillé, ce sont les mesures préférées d’inflation fondamentale de la Banque du Canada, qui éliminent les composantes volatiles. Ces indicateurs sont restés inconfortablement élevés, maintenant la pression sur le gouverneur Tiff Macklem et son équipe pour conserver leur position prudente sur les réductions de taux.
Pendant ce temps, les grandes banques canadiennes poursuivent leur défilé de rapports financiers. La Banque Royale du Canada et le Groupe Banque TD publient toutes deux leurs résultats du deuxième trimestre cette semaine, après la Banque de Montréal et la Banque de Nouvelle-Écosse.
Ces rapports offrent plus que de simples chiffres pour les investisseurs – ils fournissent une fenêtre en temps réel sur la santé des consommateurs et des entreprises canadiennes. Regardez spécifiquement les provisions pour pertes sur crédit, qui nous indiquent combien de prêts les banques s’attendent à voir se détériorer. Ces chiffres ont augmenté au cours des derniers trimestres, reflétant la pression sur les budgets des ménages due aux taux d’intérêt plus élevés.
« Les banques canadiennes ont été comme des forteresses comparées à leurs homologues régionales aux États-Unis, » note Lindsay Patrick, responsable des initiatives stratégiques et ESG chez RBC Marchés des Capitaux. « Mais leur performance nous donne maintenant des signaux précoces sur les risques économiques plus larges. »
Le marché immobilier – cette obsession canadienne perpétuelle – reçoit aussi de nouvelles données cette semaine. L’Association canadienne de l’immobilier publie les chiffres des ventes de logements d’avril, qui font suite à la modeste augmentation de 0,5% en mars. Le marché reste dans une étrange position d’attente, avec des acheteurs potentiels qui attendent des baisses de taux tandis que les vendeurs tiennent bon pour de meilleurs prix.
En parlant d’immobilier, la Société canadienne d’hypothèques et de logement (SCHL) dévoile ses chiffres des mises en chantier d’avril. Mars a connu une baisse de 8,6%, et les économistes surveillent attentivement pour voir si cette tendance se poursuit. La construction de logements est cruciale pour résoudre la crise de l’offre au Canada, identifiée par de nombreux analystes comme un facteur clé des défis d’abordabilité.
« Nous devons construire au moins 400 000 logements par an pour suivre la croissance démographique, » affirme Aled ab Iorwerth, économiste en chef adjoint à la SCHL. « Tout ralentissement soutenu de la construction aggraverait nos perspectives à long terme. »
Au-delà des indicateurs économiques standards, plusieurs entreprises canadiennes tiennent des assemblées annuelles cette semaine qui méritent attention. La réunion d’Air Canada arrive à l’approche de la saison estivale de voyage, les observateurs de l’industrie étant curieux des stratégies de prix face aux coûts élevés du carburant et à une demande robuste. Le PDG Michael Rousseau devra probablement répondre à des questions sur la trajectoire de reprise de la compagnie aérienne trois ans après les perturbations pandémiques.
Pour les observateurs de la tech, l’assemblée annuelle de Shopify offre des aperçus sur l’une des entreprises canadiennes les plus suivies. Après d’importantes réductions d’effectifs et des pivots stratégiques en 2022-23, les investisseurs sont impatients d’entendre comment la plateforme de commerce électronique prévoit de maintenir sa croissance tout en visant une rentabilité durable.
Le secteur technologique canadien continue de naviguer en eaux troubles. Des données récentes de Communitech montrent que le financement par capital-risque des startups canadiennes a chuté de 32% au premier trimestre par rapport à la même période l’an dernier. Les entreprises en phase de démarrage ressentent particulièrement la pression alors que les investisseurs exigent des chemins plus clairs vers la rentabilité.
« L’ère de la croissance à tout prix est définitivement révolue, » explique Chris Albinson, PDG de Communitech. « Mais les grandes entreprises sont toujours financées – elles ont simplement besoin de fondamentaux plus solides qu’il y a deux ans. »
Les marchés de l’énergie méritent également attention cette semaine, les prix du pétrole ayant montré une récente volatilité. Le Western Canadian Select, référence pour le pétrole des sables bitumineux, s’est négocié avec des rabais plus importants que la normale par rapport au West Texas Intermediate, créant des défis pour les producteurs canadiens.
Le secteur du commerce de détail aura son moment sous les projecteurs avec plusieurs rapports de résultats, notamment Lululemon Athletica. Le géant vancouvérois de l’athleisure a défié le ralentissement général du commerce de détail, mais les investisseurs scruteront tout signe de recul des consommateurs dans les dépenses discrétionnaires.
Ce qui rend cette semaine particulièrement significative, c’est la façon dont ces différents fils économiques s’entrelacent. L’inflation façonne la politique de la Banque du Canada, qui impacte les taux hypothécaires, qui influencent l’activité immobilière, qui affecte les prêts bancaires et les emplois dans la construction. Tout est connecté.
Pour les Canadiens ordinaires, la leçon pratique de cette semaine d’abondance de données économiques pourrait être la patience. L’économie se normalise graduellement après les perturbations extraordinaires de la pandémie et le resserrement monétaire agressif, mais le processus n’est ni linéaire ni indolore.
Comme le dit Nathan Janzen, économiste en chef adjoint de RBC, « Nous observons une économie qui tente d’atterrir en douceur après avoir traversé des turbulences. Les indicateurs de cette semaine nous diront si nous sommes toujours sur la bonne voie ou si nous devons ajuster nos attentes. »