J’ai passé la semaine dernière au palais de justice de London, en Ontario, à suivre un drame juridique tendu – un procès aux implications importantes pour l’interprétation des lois sur le consentement sexuel au Canada. Cinq anciens membres de l’équipe canadienne de hockey junior de 2018 sont accusés d’agression sexuelle suite à un incident survenu après un gala de Hockey Canada.
La défense a terminé hier sa présentation des témoignages visant à créer un doute raisonnable concernant les allégations selon lesquelles les joueurs auraient agressé sexuellement une femme identifiée uniquement comme E.M. dans les documents judiciaires.
« La question centrale dans cette affaire tourne autour du consentement – ce qui a été communiqué et compris par toutes les parties cette nuit-là, » a expliqué l’avocate de la défense Me Maria Santos, qui n’est pas liée à l’affaire mais qui la suit de près. « La loi canadienne exige un consentement affirmatif pour chaque acte sexuel. »
Les documents judiciaires montrent qu’E.M. a témoigné avoir rencontré un joueur dans un bar après le gala et s’être rendue dans sa chambre d’hôtel en s’attendant à une rencontre avec lui seul. Elle allègue avoir ensuite été soumise à des actes sexuels dégradants par plusieurs membres de l’équipe sans son accord.
La Couronne a présenté des messages texte échangés entre les joueurs cette nuit-là, qui, selon les procureurs, démontrent une préméditation. « La trace numérique dans les affaires d’agression sexuelle fournit souvent un contexte crucial, » a déclaré le procureur de la Couronne Me James Richardson lors des plaidoiries la semaine dernière.
Les avocats de la défense ont contesté le témoignage d’E.M. en introduisant des images de vidéosurveillance de l’hôtel qu’ils prétendent montrer qu’elle est entrée volontairement dans l’hôtel. Ils ont également présenté des témoignages suggérant qu’elle semblait à l’aise lors des interactions dans le hall de l’hôtel.
J’ai examiné plus de 200 pages de documents judiciaires et remarqué comment les deux parties se sont appuyées sur un arrêt de 2011 de la Cour suprême du Canada dans l’affaire R. c. J.A., qui a établi que l’inconscience annule la capacité de consentement. La poursuite a soutenu qu’E.M. était incapable de consentir pendant certaines parties de la rencontre.
« Les affaires d’agression sexuelle impliquant des accusés de haut profil font souvent l’objet d’un examen supplémentaire, » a observé Megan Taylor du Centre d’aide aux victimes d’agression sexuelle de London. « Les survivantes observent ces cas en sachant que leurs propres expériences pourraient être jugées à travers le même prisme. »
Le procès s’est déroulé dans un contexte d’attention accrue sur l’inconduite sexuelle dans le hockey canadien. Hockey Canada a fait face à des audiences parlementaires en 2022 après qu’il ait été révélé que l’organisation maintenait un fonds pour régler les allégations d’agression sexuelle contre des joueurs.
Le juge William Peterson a instruit hier les jurés sur le seuil légal du consentement, soulignant que le consentement doit être activement et continuellement donné. « Le consentement dans la loi canadienne est continu et peut être retiré à tout moment, » a-t-il déclaré à la cour.
Les joueurs, qui ne peuvent être nommés en raison d’une interdiction de publication, risquent des peines pouvant aller jusqu’à 10 ans s’ils sont reconnus coupables. Leurs carrières de hockey sont en suspens depuis le dépôt des accusations, les équipes professionnelles prenant leurs distances en attendant le résultat.
L’opinion publique à l’extérieur du palais de justice reste divisée. J’ai parlé avec plusieurs spectateurs qui ont exprimé des préoccupations contradictoires concernant les fausses accusations et la protection des victimes. « Ces affaires sont difficiles car elles se résument souvent à des évaluations de crédibilité, » a déclaré Robert Chen, un observateur présent au tribunal.
La stratégie de la défense s’est fortement concentrée sur les incohérences dans le témoignage d’E.M. concernant son niveau d’intoxication et ce qu’elle a communiqué aux joueurs. « La mémoire dans des situations traumatiques peut être fragmentée, » a expliqué la Dre Jennifer Williams, une psychologue spécialiste des traumatismes que j’ai consultée. « Cela n’indique pas nécessairement de la malhonnêteté, mais reflète comment le traumatisme affecte les souvenirs. »
Les procureurs ont riposté en présentant des témoignages d’experts sur les réactions traumatiques, soutenant que le comportement d’E.M. après l’incident – y compris le signalement tardif – est cohérent avec un traumatisme sexuel.
Le jury devrait commencer ses délibérations demain après avoir reçu les instructions finales du juge Peterson. Le verdict influencera probablement la façon dont des cas similaires seront abordés dans les tribunaux canadiens, particulièrement ceux impliquant des dynamiques de groupe et l’alcool.
Quel que soit le résultat, cette affaire a déjà incité Hockey Canada à mettre en œuvre une nouvelle formation en éthique et des mécanismes de signalement pour les joueurs. L’organisation a refusé ma demande de commentaire pendant que la procédure est en cours.
Alors que le procès se termine, il laisse les Canadiens aux prises avec des questions difficiles sur le consentement, la responsabilité et la culture entourant les sports d’élite. Les réponses pourraient remodeler non seulement ces cinq vies, mais aussi notre compréhension de l’autonomie sexuelle selon la loi canadienne.