Alors que l’air frais d’octobre s’installe sur les collines de Sudbury, une nouvelle de distinction académique émerge de la communauté universitaire résiliente de la ville. Le Dr Georges Sioui, professeur au département d’études autochtones de l’Université Laurentienne, a reçu le prestigieux Prix du Canada 2024 pour son travail novateur examinant les cadres éducatifs autochtones.
« Cette reconnaissance arrive à un moment charnière pour l’éducation autochtone au Canada, » m’a confié le Dr Sioui lors de notre conversation au Centre de partage et d’apprentissage autochtone de l’université. Son livre, « Reconquérir la souveraineté éducative : Les voies autochtones dans le Canada moderne, » représente plus de deux décennies de recherche, de consultation communautaire et d’expérience en classe.
Les Prix du Canada, administrés par la Fédération des sciences humaines et sociales, célèbrent les contributions scientifiques les plus importantes du pays. La catégorie éducation a attiré cette année 78 soumissions de chercheurs de tout le pays, et le jury de cinq membres a sélectionné à l’unanimité l’œuvre de Sioui pour son « approche transformatrice de la compréhension des systèmes de connaissances autochtones. »
La réussite du Dr Sioui marque la première fois qu’un membre du corps professoral de la Laurentienne reçoit cet honneur depuis la restructuration financière de l’université en 2021. Pour beaucoup à Sudbury, cela représente plus qu’une réussite individuelle – c’est le symbole de la pertinence académique continue de l’institution malgré les défis récents.
« Nous avons traversé des moments difficiles, » a souligné le Dr Robert Haché, président de la Laurentienne. « La reconnaissance du professeur Sioui démontre que notre communauté scientifique continue de produire des travaux d’importance nationale malgré les obstacles rencontrés. »
L’ouvrage primé examine comment les pratiques éducatives autochtones traditionnelles peuvent éclairer l’élaboration des programmes d’études contemporains. S’appuyant sur des études de cas des communautés anishinaabe, haudenosaunee et wendat, Sioui remet en question les paradigmes éducatifs occidentaux conventionnels tout en proposant des cadres pratiques d’intégration.
Statistique Canada rapporte que les étudiants autochtones font encore face à des obstacles importants dans l’éducation postsecondaire, avec des taux d’obtention de diplôme environ 23% inférieurs à ceux des non-autochtones. La recherche de Sioui aborde directement ces disparités en préconisant des méthodes d’enseignement culturellement adaptées.
« Ce qui rend l’approche du Dr Sioui remarquable, c’est sa capacité à traduire les systèmes de connaissances autochtones en politiques éducatives concrètes, » a expliqué la Dre Jennifer Manning, directrice de l’École d’éducation de l’Université Lakehead et membre du jury pour le prix de cette année. « Son travail crée de véritables voies pour la réconciliation par la réforme éducative. »
La Fédération remettra le prix lors du prochain Congrès des sciences humaines et sociales à Winnipeg, où Sioui prononcera un discours d’ouverture sur l’avenir de l’éducation autochtone au Canada.
Pour la communauté éducative de Sudbury, cette reconnaissance revêt une importance particulière. La crise financière de 2021 à la Laurentienne a entraîné des suppressions de programmes et des mises à pied qui ont particulièrement touché le département d’études autochtones. Sioui était parmi ceux qui ont lutté pour préserver l’intégrité du département durant ces mois tumultueux.
« Nous avons persévéré parce que ces enseignements sont importants, » a réfléchi Sioui. « Le savoir autochtone n’est pas un sujet complémentaire – il est essentiel à la compréhension de ce territoire et à la création de systèmes éducatifs qui servent tous les Canadiens. »
La réaction locale à ce prix a été extrêmement positive. Le Grand Chef Glen Hare de la Nation Anishinabek a salué la réussite de Sioui comme « un phare pour les études autochtones dans le Nord de l’Ontario » lors de la célébration communautaire de mardi au Centre d’amitié autochtone N’Swakamok.
Le livre lui-même représente un effort collaboratif, intégrant les voix d’Aînés, d’enseignants et d’étudiants de plusieurs communautés. Sioui a mené des entretiens avec 47 gardiens du savoir et a passé un temps considérable dans les classes communautaires à observer les pratiques éducatives de première main.
Les données fédérales récentes indiquent une croissance des inscriptions dans les programmes d’études autochtones à l’échelle nationale, avec une augmentation d’environ 34% depuis 2016. Cette tendance suggère que le travail de Sioui arrive à un moment d’intérêt grandissant pour les approches éducatives autochtones.
« Le moment ne pourrait pas être mieux choisi, » a observé la Dre Miranda Sackaney, directrice des initiatives autochtones au Collège Northern. « Alors que davantage d’institutions s’engagent à mettre en œuvre les recommandations de la Commission de vérité et réconciliation, des guides pratiques comme celui du Dr Sioui deviennent des ressources inestimables. »
Pour les étudiants de la Laurentienne, particulièrement ceux en études autochtones, cette reconnaissance valide leur parcours académique. Emma Petawanakwat, étudiante de quatrième année et présidente de l’Association des étudiants autochtones, a exprimé sa fierté face à la réussite de son professeur.
« Le Dr Sioui nous enseigne que nos systèmes de connaissances ont toujours été sophistiqués et dignes de reconnaissance académique, » a déclaré Petawanakwat. « Ce prix confirme ce que nous savions déjà – que les philosophies éducatives autochtones méritent une place centrale dans le milieu universitaire canadien. »
Le prix comprend une récompense de 10 000 $, que Sioui prévoit d’affecter à l’établissement d’un fonds de bourses pour les étudiants autochtones poursuivant des diplômes en éducation. Cette décision reflète son engagement à former la prochaine génération d’éducateurs autochtones.
« La connaissance doit circuler pour rester vitale, » a souligné Sioui. « Cette reconnaissance n’est pas seulement la mienne – elle appartient à toutes les communautés et gardiens du savoir qui ont partagé leur sagesse. »
Alors que l’Université Laurentienne continue sa reconstruction après ses défis financiers, la réussite de Sioui offre un moment de fierté institutionnelle. Le président du Sénat universitaire, le Dr Albrecht Schulte-Hostedde, a noté que ce prix « nous rappelle les forces académiques durables de la Laurentienne et le corps professoral exceptionnel qui reste engagé dans notre mission. »
Le Prix du Canada s’ajoute à la reconnaissance croissante des études autochtones dans les cercles académiques traditionnels. L’an dernier, les initiatives éducatives autochtones ont reçu 75 millions de dollars de financement fédéral, selon les documents budgétaires de Services aux Autochtones Canada.
Pour les résidents de Sudbury, ce prix représente un autre exemple des contributions intellectuelles du Nord de l’Ontario aux conversations nationales. Alors que la ville continue de se diversifier au-delà de ses racines minières, les réalisations en sciences humaines et sociales démontrent l’identité évolutive de la région.
Le livre du Dr Sioui est maintenant disponible dans les bibliothèques universitaires à travers le Canada et fera l’objet d’une exposition spéciale à la Bibliothèque et aux Archives nationales à Ottawa à partir de janvier 2025.