Le gouvernement fédéral réfléchit à un nouveau programme de remise qui offrirait aux consommateurs des incitatifs supplémentaires pour l’achat de véhicules électriques fabriqués au Canada, selon des sources proches des discussions.
Cette initiative potentielle existerait parallèlement au programme iZEV actuel, qui offre jusqu’à 5 000 $ aux Canadiens qui achètent ou louent des véhicules zéro émission admissibles, quelle que soit leur origine. Le nouveau programme « fabriqué au Canada » ciblerait spécifiquement les véhicules sortant des chaînes de montage en Ontario et d’autres installations manufacturières canadiennes.
Cette décision intervient alors que les constructeurs automobiles canadiens font face à une pression croissante de la part des concurrents américains et chinois. Au sud de la frontière, la Loi américaine sur la réduction de l’inflation offre aux Américains des crédits d’impôt allant jusqu’à 7 500 $ pour les VE fabriqués en Amérique du Nord qui répondent à des exigences strictes d’approvisionnement en batteries. Pendant ce temps, les fabricants chinois continuent de dominer le marché mondial des VE avec des options à prix plus bas.
« Nous sommes dans une course mondiale pour les emplois dans la fabrication de VE, » a déclaré Flavio Volpe, président de l’Association des fabricants de pièces automobiles. « Les Américains ont utilisé les incitatifs aux consommateurs pour orienter la politique industrielle. Le Canada doit reconnaître que les choix des consommateurs ont un impact direct sur notre secteur manufacturier. »
Actuellement, le Canada produit plusieurs modèles de VE, notamment les Lexus RZ 450e et Toyota bZ4X à Cambridge, en Ontario, et la minifourgonnette Chrysler Pacifica Hybrid à Windsor. Le paysage devrait s’élargir considérablement avec des investissements majeurs de Stellantis, GM, Honda et d’autres établissant des installations de production de VE et de batteries partout en Ontario.
Les analystes de l’industrie suggèrent que la remise « fabriqué au Canada » pourrait varier de 3 000 $ à 5 000 $ par véhicule, doublant effectivement l’incitatif existant pour les modèles produits au pays. Cela rapprocherait le Canada des subventions américaines tout en maintenant potentiellement plus d’emplois automobiles au nord de la frontière.
Pour des consommateurs comme Mikhail Barrows, résident de Toronto, qui envisage l’achat d’un VE depuis des mois, ces économies supplémentaires pourraient faire pencher la balance. « J’évalue les options entre une Tesla et d’autres modèles, » m’a confié Barrows lors d’une visite chez un concessionnaire de Toronto. « Si je pouvais obtenir un rabais important sur un véhicule construit par des travailleurs canadiens, cela influencerait certainement ma décision. »
Le secteur automobile canadien emploie environ 125 000 personnes directement, et des centaines de milliers d’autres dans des industries connexes. Ces chiffres ont diminué par rapport aux sommets historiques, la production s’étant déplacée vers des juridictions à moindre coût au cours des dernières décennies.
Les données de Statistique Canada montrent que l’industrie manufacturière automobile a contribué à hauteur de 12,5 milliards de dollars au PIB du Canada en 2022, ce qui en fait un secteur économique crucial, particulièrement dans les communautés du sud de l’Ontario comme Windsor, Oakville et Oshawa.
La politique potentielle soulève également des questions sur les relations commerciales. Bien que l’Accord Canada–États-Unis–Mexique (ACEUM) autorise certaines subventions automobiles, il existe des limitations. Les experts commerciaux suggèrent qu’un programme soigneusement élaboré pourrait résister à d’éventuelles contestations s’il était structuré comme une mesure environnementale plutôt que protectionniste.
« L’essentiel est de s’assurer que le programme ne discrimine pas explicitement les importations d’une manière qui viole nos accords commerciaux, » a expliqué Kristen Matthews, avocate en commerce international chez Bennett Jones. « Il existe des moyens de soutenir la production nationale tout en respectant nos obligations. »
Les groupes environnementaux ont offert des réactions mitigées. Tout en soutenant l’accélération de l’adoption des VE, certains défenseurs s’inquiètent de se concentrer trop étroitement sur les véhicules plutôt que sur des solutions de transport complètes.
« Les véhicules électriques sont une pièce importante du puzzle climatique, mais nous devons penser au-delà de la propriété automobile, » a déclaré Clara Wilson du Réseau Action Climat Canada. « Tout nouveau programme devrait inclure un soutien aux transports en commun, aux infrastructures cyclables et à la réduction du besoin de véhicules personnels. »
Le moment de l’annonce reste incertain, bien que des sources gouvernementales indiquent qu’elle pourrait survenir avant le prochain budget fédéral. Le programme nécessiterait probablement l’approbation parlementaire et pourrait faire face à l’opposition des partis préoccupés par l’impact fiscal pendant une période d’incertitude économique.
Le ministre de l’Industrie, François-Philippe Champagne, a refusé de confirmer des détails spécifiques lorsqu’interrogé sur le programme, mais a reconnu que le gouvernement « cherche toujours des moyens de soutenir notre secteur automobile tout en accélérant la transition vers les véhicules zéro émission. »
Pour les communautés disposant d’installations de fabrication automobile, les enjeux sont élevés. Des milliers d’emplois dépendent de l’assurance que les usines canadiennes obtiennent des mandats pour produire des véhicules de prochaine génération plutôt que de devenir obsolètes alors que l’industrie se transforme.
Le maire de Windsor, Drew Dilkens, a souligné l’importance de telles initiatives pour sa communauté, où l’industrie automobile reste le plus grand employeur. « Ce ne sont pas seulement des emplois; ce sont des carrières qui soutiennent des familles et des communautés entières, » a déclaré Dilkens. « Alors que nous passons aux véhicules électriques, nous devons nous assurer que cette transition inclut les travailleurs canadiens. »
Bien que les détails restent confidentiels, l’initiative reflète une reconnaissance croissante que la politique industrielle et les incitatifs aux consommateurs sont de plus en plus liés dans la compétition mondiale pour les investissements manufacturiers. Avec l’industrie automobile qui connaît sa transformation la plus importante depuis un siècle, le gouvernement semble prêt à utiliser les incitatifs d’achat comme levier pour assurer la place du Canada dans l’avenir électrique.