Je suis les débats sur l’équité éducative au Yukon depuis plusieurs mois maintenant. Ce que beaucoup de Canadiens du sud pourraient ne pas saisir, c’est à quel point cette question est profondément personnelle dans des communautés où la dynamique des salles de classe reflète des générations d’histoire non résolue.
L’examen complet du système éducatif du Yukon publié la semaine dernière confirme ce que les leaders autochtones soutiennent depuis longtemps : les élèves des Premières Nations font face à des obstacles persistants enracinés dans un racisme systémique qui affecte considérablement leurs résultats scolaires. Ce rapport indépendant, commandé par le gouvernement territorial, livre une évaluation sobre qui ne peut être ignorée.
« Nous disons aux gouvernements depuis des décennies que nos enfants n’obtiennent pas les mêmes opportunités, » a déclaré Pauline Frost, ancienne ministre du cabinet du Yukon et membre de la Première Nation Vuntut Gwitchin, lors d’un forum communautaire à Whitehorse auquel j’ai assisté. « Ce rapport met enfin des chiffres sur ce que nos familles vivent quotidiennement. »
Ces chiffres racontent une histoire troublante. Les élèves des Premières Nations au Yukon obtiennent leur diplôme à des taux environ 25 points de pourcentage inférieurs à ceux des élèves non-autochtones. L’étude a révélé que ces disparités persistent même en tenant compte des facteurs socioéconomiques, pointant directement vers des problèmes systémiques au sein du cadre éducatif lui-même.
Le rapport de 217 pages n’a pas mâché ses mots sur les causes profondes. « Le système actuel maintient des approches coloniales qui désavantagent systématiquement les apprenants autochtones, » affirme-t-il, mettant en évidence tout, des lacunes du programme aux pratiques disciplinaires qui affectent de manière disproportionnée les jeunes des Premières Nations.
Ce qui m’a frappé lors de mes conversations avec des éducateurs à Dawson City et Whitehorse, c’est le décalage entre les bonnes intentions et les résultats pratiques. De nombreux enseignants ont exprimé leur frustration face à un système qui ne leur a pas fourni les ressources ou la formation adéquates pour intégrer efficacement les connaissances autochtones.
« Nous voulons faire mieux pour nos élèves des Premières Nations, » a expliqué Maria Winters, qui enseigne dans le Yukon rural depuis onze ans. « Mais sans développement professionnel approprié et un véritable engagement communautaire, nous risquons de perpétuer les mêmes problèmes avec un nouveau langage. »
Le rapport fait 27 recommandations, notamment une formation obligatoire à la compétence culturelle pour tout le personnel scolaire et une plus grande autorité décisionnelle pour les gouvernements des Premières Nations en matière d’éducation. Ces recommandations s’alignent étroitement sur les dispositions de l’Accord-cadre définitif qui régit les relations entre les Premières Nations du Yukon et les autorités territoriales.
Les données du Bureau des statistiques du Yukon soulignent l’urgence de ces réformes. Au-delà des taux d’obtention de diplôme, les élèves des Premières Nations montrent des modèles de fréquentation significativement plus faibles dès la 4e année, l’écart s’élargissant jusqu’au secondaire. Cela crée un désavantage cumulatif qui façonne les opportunités futures.
La ministre de l’Éducation Jeanie McLean a reconnu ces conclusions avec une franchise inhabituelle pour une responsable gouvernementale. « Ce rapport confirme que nous avons un racisme systémique dans notre système éducatif, » a-t-elle déclaré aux journalistes à l’assemblée législative. « Aborder cette réalité doit être notre priorité à l’avenir. »
Mais la voie à suivre n’est pas simple. Les efforts de réforme précédents ont buté sur la mise en œuvre. Le Projet de réforme de l’éducation de 2009 a fait des recommandations similaires qui ont vu une application limitée, selon le Conseil des Premières Nations du Yukon. Cette histoire de promesses non tenues plane sur les discussions actuelles.
Ce qui semble différent cette fois-ci, c’est le contexte plus large. Les appels à l’action de la Commission de vérité et réconciliation ont créé une prise de conscience accrue autour de l’équité éducative, tandis que des précédents juridiques comme la récente décision du Tribunal canadien des droits de la personne sur le financement du bien-être des enfants des Premières Nations établissent des attentes claires pour une réforme significative.
Lors d’une réunion communautaire à Haines Junction, j’ai observé l’Aînée Margaret Joe expliquer à une salle comble pourquoi ces changements comptent au-delà des statistiques. « L’école n’est pas seulement un lieu d’apprentissage des faits, » a-t-elle dit. « C’est là que nos enfants apprennent qui ils sont et ce qui est possible pour eux. S’ils ne se voient pas reflétés dans ce qu’on leur enseigne, nous leur apprenons qu’ils n’ont pas leur place. »
Cette perspective aide à expliquer pourquoi des questions apparemment techniques comme l’élaboration des programmes scolaires portent un tel poids émotionnel dans ces discussions. Quand moins de 15% du matériel pédagogique inclut un contenu autochtone significatif—comme l’a constaté l’examen—le message envoyé aux élèves des Premières Nations est problématique.
Les implications économiques vont au-delà des considérations morales. Selon une analyse de 2019 du Conference Board du Canada, combler l’écart éducatif entre les Canadiens autochtones et non-autochtones ajouterait environ 27,7 milliards de dollars à l’économie canadienne annuellement. Dans l’économie du Yukon, dépendante des ressources, cela représente un coût d’opportunité substantiel.
Le Chef Dana Tizya-Tramm de la Première Nation Vuntut Gwitchin n’a pas caché sa frustration lorsque je lui ai parlé du rapport. « Nous ne demandons pas un traitement spécial, » a-t-il souligné. « Nous demandons un traitement égal et le respect des accords que nous avons déjà signés qui reconnaissent notre droit de façonner l’éducation de nos enfants. »
La question maintenant est de savoir si ce rapport catalysera un changement significatif ou rejoindra les études précédentes qui accumulent la poussière. Le gouvernement territorial s’est engagé à développer un plan de mise en œuvre d’ici le printemps 2023, mais le scepticisme est profond dans les communautés qui ont entendu des promesses similaires auparavant.
Ce qui donne espoir à certains observateurs, c’est la reconnaissance croissante que ce n’est pas seulement une « question des Premières Nations » mais une question fondamentale de savoir si le Yukon peut construire un système éducatif qui fonctionne pour tous les élèves. La recherche montre constamment qu’une éducation culturellement adaptée bénéficie à tous les apprenants en favorisant la pensée critique et des perspectives plus larges.
En réfléchissant aux conversations que j’ai eues à travers le territoire, ce qui ressort est la résilience des communautés des Premières Nations qui continuent à défendre leurs enfants malgré des décennies de résistance. Leur persévérance pourrait enfin gagner du terrain alors que la société canadienne plus large est aux prises avec son héritage colonial.
La voie à suivre nécessite plus que des changements de politique. Elle exige un changement fondamental dans la façon dont l’éducation est conceptualisée et dispensée au Yukon—un changement qui honore véritablement les connaissances et les droits des Premiers Peuples dont les territoires traditionnels composent l’ensemble de la région.
Pour le reste du Canada, la prise de conscience éducative du Yukon offre d’importantes leçons sur la réconciliation en pratique plutôt qu’en principe. La véritable mesure du progrès ne sera pas dans les rapports commandés, mais dans les expériences des élèves dans les salles de classe à travers le territoire dans les années à venir.