Le système éducatif de la Saskatchewan s’est retrouvé sous les projecteurs cette semaine après la publication d’un nouveau rapport du Centre canadien de politiques alternatives qui soulève de sérieuses questions sur les priorités provinciales dans les salles de classe des prairies.
En me promenant dans le centre-ville de Regina mardi matin, je n’ai pu m’empêcher de remarquer des parents regroupés devant les cafés, nombreux à discuter des conclusions avec une inquiétude visible. L’analyse de 87 pages, intitulée « Le carrefour éducatif de la Saskatchewan », suggère que bien que les annonces de financement gouvernemental fassent de bons titres, les dollars qui atteignent réellement les élèves n’ont pas suivi le rythme de la croissance des inscriptions ni de l’inflation.
« Nous dépensons plus que jamais en éducation, » a déclaré le ministre de l’Éducation Jeremy Cockrill aux journalistes à l’Assemblée législative. « Ce gouvernement a augmenté le budget de l’éducation de près de 40 pour cent depuis son entrée en fonction. »
Mais Samantha Becotte, présidente de la Fédération des enseignants de la Saskatchewan, voit les choses différemment. Lors de notre conversation à son bureau de Saskatoon, elle a souligné les classes surpeuplées et les ressources qui s’amenuisent.
« Lorsqu’on tient compte de l’inflation et de l’augmentation du nombre d’élèves, particulièrement ceux ayant des besoins complexes, nous fonctionnons en réalité avec moins de financement par élève qu’il y a une décennie, » a expliqué Becotte, indiquant un graphique montrant que les dépenses par élève ajustées à l’inflation ont chuté de près de 8 pour cent depuis 2016.
Le moment de publication du rapport ne pourrait être plus politiquement chargé, alors que les divisions scolaires finalisent leurs budgets pour l’année à venir. Dans les écoles publiques de Regina, les administrateurs sont aux prises avec un déficit opérationnel de 4,3 millions de dollars malgré ce que la province a qualifié d' »investissement record » dans le budget de mars.
Les chiffres de Statistique Canada confirment les conclusions principales du rapport – les dépenses en éducation de la Saskatchewan en pourcentage du PIB sont passées de 3,7 pour cent en 2014 à 3,1 pour cent aujourd’hui, se classant maintenant au neuvième rang parmi les provinces. Seule l’Alberta dépense proportionnellement moins.
À l’école communautaire Arcola hier, j’ai observé l’enseignante Dana Hines gérer une classe de 28 élèves, dont quatre nécessitant des plans d’apprentissage spécialisés. « Nous nous débrouillons parce que nous n’avons pas le choix, » a déclaré Hines pendant sa pause de préparation. « Mais quelque chose doit céder. Soit nous obtenons plus de ressources, soit nous acceptons que certains enfants ne reçoivent pas l’attention qu’ils méritent. »
Le gouvernement provincial maintient que son engagement envers l’éducation reste fort, citant comme preuve le budget de 3,7 milliards de dollars récemment annoncé pour l’éducation. Cependant, les divisions scolaires soutiennent qu’une grande partie de cet argent est destinée à des projets de construction et ne répond pas aux déficits opérationnels affectant l’expérience quotidienne en classe.
Le débat met en lumière un désaccord fondamental sur la façon de mesurer l’investissement éducatif. Les responsables gouvernementaux soulignent les montants bruts, tandis que les défenseurs de l’éducation se concentrent sur les dépenses par élève ajustées à l’inflation – une métrique qui montre que la Saskatchewan prend du retard.
James Whitaker, membre du conseil des parents, m’a confié devant le Campbell Collegiate que le débat sur les chiffres passe à côté de l’impact humain. « La classe de ma fille compte 32 élèves. Son enseignante est extraordinaire mais incroyablement débordée. Aucune annonce budgétaire ne change cette réalité. »
L’aspect peut-être le plus préoccupant du rapport sont les comparaisons montrant que la Saskatchewan est maintenant à la traîne de la plupart des provinces dans les indicateurs de performance clés comme les résultats aux tests standardisés en lecture et en mathématiques. Autrefois performante dans la moyenne nationale, les élèves de la Saskatchewan se classent désormais près du bas du tableau dans les évaluations de sciences et de mathématiques.
« Il ne s’agit pas seulement d’argent, » a expliqué la Dre Pamela Osmond-Johnson, chercheuse en politique éducative à l’Université de Regina. « Mais un financement adéquat crée les conditions où un bon enseignement et apprentissage peuvent se produire. Sans cela, nous demandons aux éducateurs de réaliser des miracles. »
La réponse du ministère au rapport s’est concentrée sur la mise en avant des investissements récents, y compris 53 millions de dollars pour le soutien en classe annoncés dans le budget du printemps. Les critiques soulignent que cela est survenu après des années de coupes effectives en tenant compte de l’inflation et de la croissance des inscriptions.
Au cœur de ce débat se trouve une question sur les priorités de la Saskatchewan. La province maintient certains des taux d’imposition des sociétés les plus bas au Canada tandis que le financement de l’éducation peine à suivre le rythme des juridictions voisines.
« Chaque gouvernement fait des choix sur où investir, » a déclaré le critique de l’éducation du NPD, Matt Love, lors d’une entrevue téléphonique hier. « Ce gouvernement a choisi des allègements fiscaux pour les grandes entreprises plutôt que de financer correctement les salles de classe de nos enfants. »
Pour des enseignants comme Michael Peterson au Thom Collegiate, le va-et-vient politique semble déconnecté des réalités quotidiennes des salles de classe. « J’enseigne depuis 18 ans, et je n’ai jamais vu les ressources aussi limitées, » a-t-il expliqué après les heures de cours. « Nous achetons nos propres fournitures, travaillons pendant les déjeuners, et ne pouvons toujours pas répondre à tous les besoins que nous constatons. »
Le rapport du Centre canadien de politiques alternatives recommande d’augmenter le financement de l’éducation à 3,9 pour cent du PIB provincial – la moyenne nationale – ce qui représenterait environ 280 millions de dollars d’investissement annuel supplémentaire.
Reste à voir si de telles recommandations gagneront du terrain. Ce qui est clair des conversations à travers la province, c’est que l’écart entre les discours politiques sur le financement de l’éducation et les expériences vécues par les élèves, les parents et les enseignants continue de s’élargir.
Comme l’a dit une mère de Regina en venant chercher ses enfants hier : « Je me fiche des pourcentages ou des arguments politiques. Ce qui m’importe, c’est que l’école de mes enfants vient de supprimer son programme de musique tandis que la taille des classes continue d’augmenter. Cela me dit tout ce que j’ai besoin de savoir sur nos priorités. »