En examinant les dernières données de sondage sur les attitudes envers la réconciliation à travers le Canada, une chose devient évidente : nous assistons à un changement subtil mais significatif dans la façon dont les Canadiens ordinaires perçoivent notre relation avec les peuples autochtones. Le parcours reste complexe, mais les choses avancent.
Dix ans après la publication du rapport final de la Commission de vérité et réconciliation, une nouvelle étude de l’Institut Angus Reid montre que les Canadiens reconnaissent de plus en plus les injustices historiques subies par les communautés autochtones. Près de 63 % des répondants reconnaissent maintenant les impacts dévastateurs des pensionnats sur les communautés autochtones – une hausse par rapport aux 54 % enregistrés dans un sondage similaire réalisé en 2015.
« Nous observons un éveil progressif de la conscience publique, » explique Dr. Pamela Wilson, chercheuse en politiques autochtones à l’Université Carleton. « La conversation a évolué, passant de la question de savoir si ces préjudices ont eu lieu à la compréhension de leurs conséquences persistantes dans les communautés d’aujourd’hui. »
Ce changement coïncide avec plusieurs développements médiatisés, notamment la découverte de tombes non marquées sur les sites d’anciens pensionnats à partir de 2021, qui a déclenché un deuil national et renouvelé les appels à la responsabilité gouvernementale.
En me promenant au marché By la fin de semaine dernière, j’ai parlé avec Marie Cleroux, résidente d’Ottawa, qui a réfléchi à l’évolution de sa compréhension. « Il y a dix ans, j’aurais pu penser que tout cela appartenait au passé. Maintenant, je comprends mieux comment ces politiques ont créé des problèmes qui persistent aujourd’hui, » m’a-t-elle confié en attendant son café matinal.
Le sondage révèle des variations régionales qui racontent une histoire importante sur notre conversation nationale. Le Canada atlantique affiche le plus fort soutien aux efforts de réconciliation à 71 %, tandis que l’Alberta et la Saskatchewan enregistrent les niveaux d’engagement les plus faibles, à 46 % et 49 % respectivement.
Ces différences régionales reflètent souvent les clivages politiques. Dans les provinces où le soutien conservateur est le plus fort, l’enthousiasme pour les initiatives de réconciliation tend à être plus modéré. C’est un rappel que la réconciliation reste, pour certains Canadiens, liée à l’identité partisane.
« Quand la réconciliation devient politiquement chargée, nous perdons de vue les éléments humains de la guérison, » note Raymond Thunderchild, agent de liaison communautaire de l’Assemblée des Premières Nations du Manitoba. « Il ne devrait pas s’agir de gauche contre droite, mais de reconnaître l’histoire et d’avancer ensemble. »
Le constat peut-être le plus encourageant concerne les données générationnelles. Parmi les Canadiens de moins de 35 ans, le soutien aux mesures concrètes de réconciliation est supérieur de 22 points de pourcentage à celui des plus de 65 ans. Les changements dans les programmes scolaires au cours de la dernière décennie semblent porter leurs fruits, les jeunes Canadiens démontrant une meilleure compréhension des histoires autochtones.
Le gouvernement fédéral a réalisé 17 des 94 appels à l’action de la Commission de vérité et réconciliation, selon le rapport annuel de responsabilisation de l’Institut Yellowhead. 39 autres sont à différents stades d’avancement, tandis que 38 restent intouchés. Ce taux de mise en œuvre a suscité des critiques de la part des leaders autochtones qui soulignent l’écart entre les gestes symboliques et les changements substantiels.
« Les Canadiens sont de plus en plus favorables en principe, » observe le ministre des Relations Couronne-Autochtones Gary Anandasangaree, « mais la réconciliation exige plus que de la bonne volonté. Elle demande des changements politiques soutenus et des engagements de ressources qui s’étendent sur plusieurs gouvernements. »
Une constatation révélatrice montre que 58 % des Canadiens soutiennent maintenant l’augmentation du contenu éducatif sur les pensionnats et les politiques coloniales – en hausse par rapport aux 43 % de 2018. Cependant, lorsqu’on les interroge sur l’indemnisation financière ou les transferts de terres, le soutien tombe à 34 %.
Cela suggère que les Canadiens restent plus à l’aise avec les efforts de réconciliation qui informent plutôt qu’avec ceux qui exigent une redistribution matérielle ou un changement structurel. C’est ce que Melissa Chung, politologue à l’Université de Toronto, appelle « la zone de confort de la réconciliation. »
« De nombreux Canadiens soutiennent l’apprentissage sur l’injustice, mais hésitent lorsque son traitement implique des coûts économiques ou des changements politiques qui affectent directement leur vie, » explique Chung. « Une véritable réconciliation exigera éventuellement de sortir de cette zone de confort. »
L’analyse de ces chiffres révèle une nation qui cherche encore sa voie dans un règlement historique complexe. Le sondage suggère que des progrès sont réalisés, même si c’est de manière inégale et parfois réticente.
Pour les communautés autochtones qui observent ce changement progressif de l’opinion publique, la patience a été nécessaire. L’Aînée Dorothy Mirasty de la Première Nation de Lac La Ronge l’a exprimé simplement lors de mon entretien avec elle le mois dernier : « Nous avons déjà attendu des générations. Nous continuerons notre travail, que les autres soient prêts ou non. »
Ce qui reste clair, c’est que la réconciliation est passée des marges au courant dominant de la conscience canadienne au cours de la dernière décennie. Le pourcentage de Canadiens qui estiment que la réconciliation « n’est pas importante » est passé de 28 % à 17 % depuis 2015.
Les allocations budgétaires racontent une partie de l’histoire. Les dépenses fédérales pour les programmes autochtones ont augmenté de 63 % depuis 2015, atteignant 24,5 milliards de dollars au cours du dernier exercice financier. Les gouvernements provinciaux ont également élargi leurs cadres de réconciliation, bien que la mise en œuvre reste inégale.
Alors que nous marquons ce jalon de dix ans, les données suggèrent un pays qui évolue lentement – parfois douloureusement – vers une compréhension plus mature de son histoire. La voie à suivre reste compliquée par les différences régionales, la polarisation politique et les niveaux variables d’engagement envers un changement substantiel.
Mais la direction compte. Il y a dix ans, de nombreux Canadiens comprenaient à peine ce que signifiait la réconciliation. Aujourd’hui, elle fait partie de notre vocabulaire et de notre conscience nationale – un voyage inachevé, mais de plus en plus reconnu comme nécessaire.