L’Agence du revenu du Canada (ARC) procède à une réduction de ses effectifs à l’approche de la période des impôts, soulevant des questions sur la prestation de services et la stratégie fiscale globale du gouvernement.
La semaine dernière, environ 280 employés permanents ont reçu des avis indiquant que leurs postes seraient éliminés dans le cadre de ce que l’agence qualifie de « restructuration organisationnelle ». L’Institut professionnel de la fonction publique du Canada (IPFPC), qui représente de nombreux travailleurs touchés, a confirmé que les réductions touchent plusieurs directions, notamment la Direction des affaires internationales, des grandes entreprises et des enquêtes.
Ces réductions surviennent à un moment particulier. Le percepteur fédéral a fait l’objet d’un examen minutieux ces dernières années pour tout, des retards de traitement aux problèmes d’accessibilité de ses services numériques. En février dernier, l’agence a été confrontée à une importante brèche de sécurité qui a temporairement interrompu les services en ligne et compromis des milliers de comptes.
« Il semble contre-intuitif de réduire le personnel alors que le système est déjà sous pression », déclare Jennifer Taylor, analyste en politique fiscale anciennement au ministère des Finances. « Le moment est particulièrement préoccupant avec la saison des impôts qui arrive dans quelques mois. »
L’ARC maintient que ces coupes représentent des ajustements opérationnels normaux plutôt que des mesures d’austérité. Dans des déclarations aux médias, la porte-parole Hannah Wardell a souligné que les employés touchés auraient des options, y compris le placement dans des postes vacants ou l’accès aux dispositions de réaménagement des effectifs prévues dans leurs conventions collectives.
« Cet effort de restructuration vise à rationaliser les opérations et à mieux aligner les ressources sur nos priorités de service », a noté Wardell, bien que les détails sur les secteurs qui verraient leur capacité réduite soient restés vagues.
Ce qui rend ces réductions particulièrement notables est leur contraste avec la récente expansion du mandat de l’agence. Au cours des trois dernières années, l’ARC a assumé des responsabilités supplémentaires, notamment l’administration des prestations liées à la pandémie, le renforcement de l’application des impôts des sociétés et de nouvelles mesures de conformité en matière de monnaie numérique.
L’Alliance de la fonction publique du Canada (AFPC), un autre syndicat représentant les travailleurs de l’ARC, a exprimé sa frustration face à cette décision. « On ne peut pas continuer à ajouter des responsabilités tout en réduisant le personnel et s’attendre à de meilleurs résultats », a déclaré Marc Brière, président du Syndicat des employés de l’impôt, une composante de l’AFPC.
Les analystes financiers considèrent ces coupes comme faisant partie d’un modèle plus large de restriction fiscale qui émerge dans l’ensemble des ministères fédéraux. Le gouvernement Trudeau, confronté à la pression de freiner les dépenses après les expansions de l’ère pandémique, a demandé aux ministères dans le budget de l’année dernière de trouver 15,4 milliards de dollars d’économies sur cinq ans.
« Nous voyons la concrétisation de ces objectifs d’efficacité », explique Sahir Khan, vice-président exécutif de l’Institut d’études fiscales et de démocratie de l’Université d’Ottawa. « Mais il y a toujours un risque lorsque les coupes affectent des agences orientées vers le service comme l’ARC. Les économies dans une colonne peuvent créer des coûts ailleurs. »
En effet, le directeur parlementaire du budget a souligné à plusieurs reprises comment les investissements dans l’application fiscale génèrent généralement des rendements plusieurs fois supérieurs à leur coût. Un rapport de 2020 suggérait que chaque dollar dépensé pour les activités de conformité de l’ARC rapporte entre 5 et 10 dollars de revenus récupérés.
Pour les Canadiens ordinaires, la préoccupation immédiate est de savoir si ces coupes pourraient affecter la saison de production des déclarations fiscales. L’agence traite environ 30 millions de déclarations annuellement, la majorité étant soumise entre février et avril.
La technologie pourrait compenser certaines réductions de personnel. L’ARC a investi considérablement dans des outils d’automatisation et d’intelligence artificielle pour rationaliser le traitement des déclarations et signaler les cas potentiels de vérification. L’année dernière, environ 92 % des déclarations de revenus des particuliers ont été produites électroniquement.
Cependant, ceux qui ont des situations complexes ou qui ont besoin d’une assistance directe pourraient faire face à des défis. Les centres d’appels de l’agence ont connu des temps d’attente dépassant une heure pendant les périodes de pointe, suscitant des plaintes auprès du Bureau de l’ombudsman des contribuables.
« Les personnes qui souffrent le plus des réductions de service sont souvent celles qui ont le moins les moyens de payer une préparation fiscale professionnelle—les aînés, les nouveaux arrivants et les Canadiens à faible revenu », note Jamie Golombek, directeur général de la planification fiscale et successorale chez CIBC Gestion privée de patrimoine.
Pour les employés touchés, l’incertitude plane. Alors que certains pourront trouver des postes ailleurs dans l’agence ou dans la fonction publique, d’autres font face à une potentielle perturbation de carrière. Les syndicats ont indiqué qu’ils contesteraient tout licenciement qui ne suivrait pas les dispositions appropriées de réaménagement des effectifs.
Les ajustements de personnel de l’ARC soulèvent également des questions sur les priorités du gouvernement en matière de perception des recettes. Les récents budgets fédéraux ont mis l’accent sur la réduction des écarts fiscaux et sur la garantie que les sociétés paient leur juste part—des objectifs qui nécessitent généralement du personnel spécialisé dans les rôles de vérification et d’application.
« Si on est sérieux dans la lutte contre l’évitement fiscal sophistiqué, on a besoin d’enquêteurs et d’analystes expérimentés », affirme Toby Sanger, directeur exécutif de Canadiens pour une fiscalité équitable. « Ce ne sont pas des postes qu’on peut facilement remplacer ou automatiser. »
À l’approche de la période de production des déclarations fiscales, les Canadiens découvriront bientôt si ces changements organisationnels se traduisent par des différences notables dans le service. L’impact réel pourrait ne pas être pleinement apparent jusqu’à ce que l’agence fasse face à son prochain défi majeur—qu’il s’agisse de traiter des millions de déclarations ou de répondre à la prochaine menace cybernétique sophistiquée.
Pour l’instant, l’ARC affirme qu’elle reste engagée envers son mandat malgré les ajustements de personnel. Reste à voir si cet engagement pourra être tenu avec moins de personnel disponible.