Le système financier canadien se trouve à l’aube d’une transformation qui pourrait fondamentalement changer la façon dont des millions de personnes interagissent avec leur argent. Le mois dernier, la Financial Data and Technology Association (FDATA) Amérique du Nord a soumis une proposition prébudgétaire complète au Comité permanent des finances de la Chambre des communes, demandant que la mise en œuvre de l’open banking soit priorisée dans le budget fédéral canadien de 2025.
Depuis des années, on promet aux Canadiens l’open banking – un système permettant aux consommateurs de partager en toute sécurité leurs données financières avec des tiers autorisés. Pourtant, alors que d’autres pays progressent rapidement dans sa mise en œuvre, l’approche du Canada a été caractérisée par ce que de nombreux experts du secteur appellent une « fatigue de consultation ».
« Nous étudions l’open banking depuis 2018, » affirme Steve Boms, directeur exécutif de FDATA Amérique du Nord. « Pendant ce temps, les consommateurs continuent d’utiliser des méthodes d’extraction d’écran non sécurisées pour accéder à des services financiers innovants, et le Canada prend davantage de retard par rapport à ses pairs internationaux. »
La proposition ne concerne pas seulement le fait de rester compétitif à l’échelle internationale. À sa base, l’open banking vise à résoudre un déséquilibre fondamental de pouvoir dans le paysage financier canadien. Actuellement, les grandes banques contrôlent effectivement les données des clients, créant ce que la FDATA décrit comme une « dynamique concurrentielle malsaine » qui limite l’innovation et le choix des consommateurs.
Ce qui rend cette proposition particulièrement significative, c’est son timing. Avec Abraham Tachjian du ministère des Finances dirigeant un effort de mise en œuvre de l’open banking dont l’échéance est prévue début 2025, les recommandations budgétaires de la FDATA visent à garantir que l’initiative ne perde pas son élan pendant cette période critique de transition.
La proposition budgétaire se concentre sur quatre domaines clés : le soutien financier pour la mise en œuvre du système, une surveillance élargie pour l’Agence de la consommation en matière financière du Canada, des cadres législatifs clairs et des ressources pour la coordination réglementaire.
Mais l’aspect peut-être le plus révélateur est l’accent mis sur les droits relatifs aux données. L’association a appelé à un « Droit aux données financières du consommateur » qui donnerait aux Canadiens la propriété explicite de leurs informations financières – déplaçant potentiellement l’équilibre du pouvoir des institutions bancaires traditionnelles.
Pour les entrepreneurs canadiens de la fintech comme Janet Morrison, qui a fondé une application de finances personnelles à Toronto l’année dernière, ces changements ne peuvent pas arriver assez vite. « Nous développons des technologies de pointe, mais sans cadres d’accès aux données appropriés, nous nous battons avec une main attachée dans le dos, » m’a-t-elle récemment confié. « Chaque jour de retard signifie que les consommateurs canadiens manquent des services que les gens au Royaume-Uni et en Australie considèrent déjà comme acquis. »
L’argument économique semble convaincant. Un rapport d’EY suggère que l’open banking pourrait ajouter des milliards au PIB du Canada grâce à une inclusion financière accrue, une réduction des fraudes et une stimulation de la concurrence. La proposition de la FDATA souligne ces avantages, notant qu’une mise en œuvre adéquate pourrait créer des milliers d’emplois dans le secteur de la technologie financière tout en offrant aux consommateurs de meilleurs outils pour gérer leurs finances.
L’establishment bancaire a été prudemment favorable dans ses déclarations publiques, bien que les observateurs de l’industrie notent que leur lobbying privé se concentre souvent sur le ralentissement des délais de mise en œuvre. Les six grandes banques canadiennes ont cité des préoccupations de sécurité et des coûts de mise en œuvre, tandis que les défenseurs des consommateurs répliquent que la vraie question est la protection de la domination établie du marché.
Ce qui distingue cette proposition des efforts précédents est son approche globale de la gouvernance. Plutôt que de traiter l’open banking comme une simple mise en œuvre technique, la FDATA souligne la nécessité d’une surveillance continue, de la protection des consommateurs et d’un équilibre concurrentiel.
« L’open banking n’est pas seulement un déploiement technologique ponctuel, » explique Kirsten Thompson, avocate spécialisée en technologie et gouvernance des données chez Dentons. « Il nécessite un écosystème soutenu avec des règles claires, des cadres de responsabilité et une supervision continue. La proposition de la FDATA aborde ces aspects de gouvernance de manière assez approfondie. »
Pour les Canadiens ordinaires, les implications de l’open banking vont au-delà des applications financières. La proposition suggère qu’il pourrait fondamentalement améliorer l’inclusion financière pour les communautés mal desservies, aider les petites entreprises à accéder plus facilement au capital et donner aux consommateurs de meilleurs outils pour gérer les finances des ménages – particulièrement important alors que l’inflation et les coûts du logement demeurent des défis persistants.
L’élément peut-être le plus frappant de la proposition est la façon dont elle positionne l’open banking non pas comme une initiative de service financier spécialisée, mais comme une infrastructure numérique essentielle pour l’avenir économique du Canada. En présentant l’open banking comme fondamental à l’innovation financière plutôt qu’un complément optionnel, la FDATA présente un argument convaincant pour sa priorisation dans le budget.
La proposition intervient alors que le secteur de la technologie financière canadienne montre des signes croissants de frustration face au rythme des changements réglementaires. Plusieurs startups fintech canadiennes ont délocalisé leurs opérations vers des juridictions plus favorables comme le Royaume-Uni, citant la clarté réglementaire comme motivation principale.
Derrière les détails techniques se cache une question fondamentale sur la propriété des données financières. Les banques devraient-elles maintenir un contrôle privilégié sur les données de transactions des clients, ou les consommateurs devraient-ils avoir le droit explicite de partager leurs informations avec des fournisseurs de confiance? La proposition de la FDATA prend fermement position pour cette dernière option.
Alors que le Comité permanent examine cette proposition et d’autres soumissions prébudgétaires, les détails techniques peuvent évoluer, mais la tension sous-jacente demeure : le Canada doit décider s’il veut mener ou suivre dans la transformation numérique des services financiers. Le budget 2025 pourrait bien déterminer quelle voie le pays empruntera.