Je venais tout juste de terminer quelques appels avec mes sources à travers la vallée du Fraser lorsque la nouvelle est tombée concernant la décision d’Abbotsford sur le controversé concert de Sean Feucht. La position de la ville marque un nouveau chapitre dans ce qui est devenu une tension familière entre l’expression religieuse et la responsabilité civique—particulièrement lorsque les batailles culturelles américaines débordent au-delà de notre frontière.
Après plusieurs semaines de débat communautaire, les responsables d’Abbotsford ont confirmé hier qu’ils ont refusé la demande de permis pour le concert de louange en plein air prévu par l’évangéliste américain Sean Feucht au parc des Expositions. Le leader de louange californien, connu pour son mouvement « Let Us Worship » lancé pendant les confinements liés à la COVID-19, avait programmé l’événement pour le 23 août dans le cadre de sa tournée canadienne.
« La demande ne répondait pas à nos exigences pour les événements de grande envergure, » a expliqué la porte-parole de la ville d’Abbotsford, Aletta Vanderheyden, lorsque je l’ai jointe par téléphone. Elle a cité des préoccupations concernant la planification inadéquate de la sécurité et la couverture d’assurance—bien que ces raisons techniques ne racontent qu’une partie de l’histoire.
Derrière le langage bureaucratique se cache une communauté profondément divisée. J’ai parlé avec le pasteur Dave Koop de l’église Coastal à Vancouver, qui soutenait l’événement. « Il y a de la déception parmi de nombreuses congrégations qui attendaient avec impatience une soirée de louange, » m’a-t-il confié. « Nous croyons que ces rassemblements renforcent l’esprit communautaire. »
Mais les défenseurs locaux de la communauté LGBTQ+ et les leaders religieux progressistes avaient soulevé des préoccupations concernant les affiliations politiques et les messages de Feucht. Son histoire comprend une opposition bien documentée aux droits LGBTQ+, des apparitions sur des plateformes médiatiques d’extrême droite, et son image distinctive alignée sur le mouvement MAGA qui mélange le christianisme évangélique avec la politique conservatrice américaine.
La conseillère municipale Patricia Ross a reconnu ces tensions sans les citer directement comme raison du refus. « Notre processus d’autorisation d’événements prend en compte les normes et les valeurs communautaires, » a-t-elle noté lors de notre brève conversation après la réunion du conseil d’hier. « Abbotsford est fière d’être accueillante pour tous ses résidents. »
Ce qui rend ce cas particulièrement remarquable, c’est comment il reflète des tensions plus larges qui se manifestent dans les communautés à travers le Canada. Un récent sondage de l’Institut Angus Reid montre que 67% des Canadiens expriment leur inquiétude concernant l’influence des guerres culturelles de style américain sur la politique canadienne. La vallée du Fraser, avec sa robuste communauté évangélique aux côtés de populations de plus en plus diverses, se retrouve souvent à ces carrefours.
Dr. Emma Anderson, professeure d’études religieuses à l’Université d’Ottawa, m’a expliqué les dynamiques en jeu lorsque je l’ai appelée ce matin. « Nous voyons des municipalités de plus en plus prises entre des revendications de droits concurrentes—la liberté religieuse d’un côté, et la protection des communautés marginalisées de l’autre, » a-t-elle dit. « Les villes canadiennes développent leurs propres cadres pour ces décisions, souvent distincts des approches américaines. »
L’équipe de Feucht a déjà répondu avec une défiance caractéristique. « C’est de la discrimination religieuse, pure et simple, » déclare un communiqué sur ses réseaux sociaux. Son organisation a suggéré qu’ils pourraient quand même tenter de tenir le rassemblement, potentiellement dans un lieu privé ne nécessitant pas de permis municipaux.
Ce ne serait pas sans précédent. Pendant les restrictions pandémiques, Feucht a organisé de nombreux événements de louange en plein air non autorisés à travers les États-Unis, se positionnant comme un défenseur de la liberté religieuse contre l’empiétement gouvernemental. Ses concerts mélangent musique de louange et messages politiques, présentant souvent des marchandises portant des slogans comme « Make America Godly Again. »
Ce qui m’a frappé lors des conversations avec les résidents locaux, c’est comment cette controverse transcende les simples lignes de division gauche-droite. James Chen, un résident de longue date d’Abbotsford et ancien d’église que je connais par mes reportages précédents, a exprimé des sentiments mitigés. « Je suis profondément engagé dans ma foi, mais je suis mal à l’aise avec la façon dont les symboles politiques américains se sont entremêlés avec la louange, » m’a-t-il dit autour d’un café près de Mill Lake. « Ce n’est pas la façon canadienne de pratiquer notre foi. »
La décision d’Abbotsford survient alors que la tournée « Kingdom to the Capitol » de Feucht est en cours et a déjà fait face à des résistances similaires dans d’autres villes canadiennes. À Toronto le mois dernier, son événement a été relocalisé après des annulations initiales de lieu suite à la pression communautaire.
En regardant le contexte plus large, les données d’Élections Canada montrent que la vallée du Fraser a constamment élu des députés conservateurs, y compris Ed Fast qui représente Abbotsford depuis 2006. Pourtant, la politique municipale reflète souvent des valeurs communautaires plus nuancées que ce que suggèrent les tendances de vote fédérales.
La Coalition pour la diversité culturelle de la vallée du Fraser, qui avait organisé une pétition contre l’événement, a exprimé son soulagement face à la décision de la ville. « Il ne s’agit pas de restreindre l’expression religieuse, » a déclaré la porte-parole de la coalition, Mariam Bala. « Il s’agit de s’assurer que nos espaces publics ne deviennent pas des plateformes pour des messages politiques importés qui ciblent les communautés vulnérables. »
Alors que l’été se poursuit, les résidents d’Abbotsford verront probablement cette conversation continuer. Plusieurs églises locales ont indiqué qu’elles pourraient organiser de plus petits événements de louange le même week-end. Pendant ce temps, l’organisation de Feucht a promis des mises à jour sur des arrangements alternatifs.
Pour une ville qui se décrit fièrement comme la « Ville à la Campagne, » la décision d’Abbotsford reflète la sophistication croissante avec laquelle les communautés canadiennes naviguent ces intersections complexes de foi, de politique et d’espace public—tentant de maintenir des approches distinctement canadiennes même si les courants culturels continentaux deviennent plus forts.
Je suivrai l’évolution de cette histoire dans les semaines à venir, particulièrement car elle pourrait établir des précédents sur la façon dont d’autres municipalités canadiennes traitent des demandes similaires à l’avenir.