Je me tenais sous un ciel gris devant l’Hôpital général de Vancouver jeudi dernier, observant le visage de Brenda Leipsic alors qu’elle décrivait le jour où son médecin lui a annoncé qu’elle était guérie du cancer. Cinq ans après son diagnostic de cancer ovarien à un stade avancé, ce qui aurait dû être purement festif lui a plutôt laissé des questions persistantes sur la suite.
« Je me suis sentie abandonnée, » m’a-t-elle confié, ajustant son foulard bleu contre le vent côtier. « Mon oncologue m’a essentiellement dit ‘félicitations’ et ‘au revoir’. Il n’y avait aucune feuille de route pour la vie après. »
L’expérience de Leipsic reflète celle de près d’un million de Canadiens vivant actuellement comme survivants du cancer. Alors que notre système de santé possède des protocoles pour le diagnostic et le traitement, l’après laisse souvent les survivants naviguer seuls face à des défis de santé complexes. Cette lacune dans les soins a inspiré Leipsic à créer quelque chose d’inédit au Canada : le Registre canadien des survivants du cancer.
Lancé ce mois-ci, le registre vise à suivre les résultats de santé à long terme des survivants du cancer à travers le pays. L’initiative représente la première tentative nationale de documenter et d’aborder systématiquement les besoins de santé uniques qui émergent après la fin du traitement contre le cancer.
« Le cancer n’est pas seulement quelque chose qu’on a puis c’est fini, » a expliqué Leipsic alors que nous marchions dans le jardin de l’hôpital où elle a passé d’innombrables heures pendant son traitement. « Les séquelles physiques et émotionnelles peuvent durer des décennies. Certains survivants développent des problèmes cardiaques à cause de la chimiothérapie. D’autres luttent avec des problèmes cognitifs qu’on appelle ‘cerveau chimio’. Beaucoup font face à l’anxiété d’une récidive qui ne disparaît jamais complètement. »
Le registre recueillera des données sur ces problèmes de survie par inscription volontaire, demandant aux participants de remplir régulièrement des questionnaires de santé et, lorsque possible, de participer à des études de recherche visant à améliorer les soins aux survivants.
Dr. Karen Gelmon, oncologue médicale à BC Cancer et partisane de l’initiative du registre, estime que cette collecte de données est attendue depuis longtemps. « Nous avons fait des progrès remarquables dans les traitements du cancer, ce qui donne plus de survivants que jamais, » m’a-t-elle dit lors d’un entretien téléphonique. « Mais notre système de santé n’a pas suffisamment évolué pour répondre aux besoins des survivants. Ce registre nous aidera à comprendre les modèles d’effets tardifs et à développer des protocoles de suivi fondés sur des preuves. »
Le concept a gagné du terrain après que des chercheurs du Centre de cancérologie Princess Margaret à Toronto ont publié des résultats montrant que 65% des survivants du cancer canadiens signalent au moins un besoin de soins de santé non satisfait après la fin du traitement. Selon leur étude dans le Journal de l’Association médicale canadienne, ces besoins vont de la réadaptation physique au soutien en santé mentale et aux conseils financiers.
Lorsque j’ai visité le modeste bureau du registre au centre-ville de Vancouver, j’ai trouvé Leipsic travaillant aux côtés de trois bénévoles – tous survivants du cancer eux-mêmes – saisissant des données de leurs cent premiers participants. Les murs étaient couverts de notes manuscrites de survivants partageant leurs défis post-cancer.
Une note d’une survivante du cancer du sein disait : « Six ans sans cancer mais je compose avec un lymphœdème, une ménopause précoce et une perte de densité osseuse due aux traitements. Mon médecin de famille ne sait pas comment m’aider avec ces problèmes. »
Cette lacune de connaissances parmi les médecins de soins primaires présente un autre défi que le registre espère résoudre. En recueillant et analysant les données des survivants, l’équipe de Leipsic prévoit développer des ressources éducatives pour les prestataires de soins.
« La plupart des médecins de famille reçoivent une formation minimale sur les problèmes de survie au cancer, » a expliqué Dr. Samantha Taylor, médecin de famille qui siège au conseil consultatif du registre. « Quand un survivant du cancer vient me voir avec des symptômes qui pourraient être liés à leur traitement passé, je dois souvent faire des recherches sur place ou les référer à nouveau en oncologie, ce qui n’est pas toujours nécessaire ou efficace. »
Le registre arrive à un moment critique. Statistique Canada prévoit que le nombre de survivants du cancer augmentera d’environ 40% au cours de la prochaine décennie, les traitements continuant à s’améliorer. Sans soins structurés pour les survivants, notre système de santé risque d’être débordé par des cas complexes qu’il n’est pas conçu pour gérer.
En marchant dans le parc Stanley plus tard cet après-midi, Leipsic a pointé vers les montagnes de l’autre côté du port. « Je ne pensais jamais revoir un autre printemps, » a-t-elle dit doucement. « Maintenant je planifie un avenir que je ne pensais pas avoir. Mais cet avenir devrait inclure un soutien médical approprié pour tous ceux d’entre nous qui ont traversé le cancer. »
L’initiative a obtenu un financement initial grâce à une combinaison de dons privés et d’une subvention de la Société canadienne du cancer, mais un financement durable reste un défi. Leipsic espère que les autorités sanitaires provinciales reconnaîtront éventuellement la valeur du registre et fourniront un soutien opérationnel.
Au-delà de la collecte de données, le registre a déjà créé une communauté informelle parmi les participants. Des rencontres virtuelles mensuelles permettent aux survivants de partager des ressources et des stratégies pour naviguer dans la vie après le cancer.
« Après le traitement, beaucoup d’entre nous se sentent abandonnés par un système qui nous surveillait auparavant de façon intensive, » a déclaré Michael Weymouth, survivant d’un cancer colorectal qui a rejoint la première cohorte du registre. « Soudainement, vous êtes livré à vous-même, vous demandant si cette nouvelle douleur est le vieillissement normal ou quelque chose de plus sinistre. Faire partie de ce registre m’aide à me sentir moins isolé dans ces moments d’inquiétude. »
Alors que le système de santé canadien continue de faire face à des contraintes de ressources, des innovations comme le registre de Leipsic représentent une approche de base pour combler les lacunes critiques dans les soins. En exploitant les expériences vécues des survivants eux-mêmes, l’initiative apporte les voix des patients directement dans la recherche et l’élaboration des politiques.
Debout sur la digue alors que la lumière du soir s’adoucissait sur English Bay, Leipsic a partagé sa vision pour l’avenir du registre : « Dans cinq ans, j’espère que chaque patient canadien atteint de cancer recevra un plan de soins de survie à la fin de son traitement, avec des directives claires pour surveiller et gérer les effets à long terme. Personne ne devrait se sentir abandonné après avoir survécu au cancer.«
Pour ceux intéressés à participer au registre ou à en savoir plus sur les ressources de survie au cancer, des informations sont disponibles auprès des agences provinciales du cancer ou des services de soutien de la Société canadienne du cancer.
Entre-temps, Leipsic continue de recueillir des histoires et des données—construisant les fondations pour de meilleurs soins aux survivants, un survivant à la fois.