L’annonce du règlement est tombée un mardi après-midi pluvieux, mettant fin à la bataille juridique de trois ans du Dr Sean Smyrichinsky contre la Régie de la santé Fraser. Après avoir dénoncé des problèmes critiques de sécurité des patients à l’Hôpital Memorial de Mission, ce médecin urgentiste s’est retrouvé congédié puis mis sur liste noire—un cas typique de représailles contre un lanceur d’alerte qui a finalement trouvé sa résolution.
« Ce règlement confirme ce que les professionnels de la santé savent depuis des années—dénoncer des problèmes de sécurité des patients peut mettre fin à votre carrière, » m’a confié le Dr Smyrichinsky lors de notre entrevue dans un café près du palais de justice. « Mais rester silencieux n’était pas une option quand des vies étaient en jeu. »
Les documents judiciaires que j’ai obtenus révèlent que l’épreuve du Dr Smyrichinsky a commencé en 2020 lorsqu’il a signalé des pénuries dangereuses de personnel et des violations des protocoles de sécurité au service des urgences. En quelques mois, ses privilèges ont été révoqués malgré ses 15 années de service exemplaire. La régie de santé a invoqué des problèmes de performance, mais des courriels internes suggèrent un effort coordonné pour faire taire ses préoccupations.
La poursuite déposée à la Cour suprême de la Colombie-Britannique détaille comment le Dr Smyrichinsky a découvert qu’il avait été placé sur une liste non officielle de « personnes à ne pas embaucher » diffusée parmi les administrateurs hospitaliers de toute la province. Cette mesure a effectivement mis fin à sa carrière en l’empêchant d’obtenir des postes dans d’autres établissements de santé.
« La protection des lanceurs d’alerte dans le système de santé canadien existe davantage sur papier que dans la pratique, » a expliqué Marie Henein, une éminente avocate en droit du travail non impliquée dans l’affaire. « Les travailleurs de la santé font face à des choix impossibles entre l’éthique professionnelle et la sécurité d’emploi. »
Les termes du règlement demeurent confidentiels, bien que des sources familières avec l’entente indiquent qu’il comprend une compensation financière substantielle et, point crucial, un dossier professionnel vierge qui devrait permettre au Dr Smyrichinsky de reprendre sa pratique ailleurs. Fraser Health s’est également engagé à mettre en œuvre un protocole de divulgation protégée pour le personnel signalant des problèmes de sécurité.
Dr Michael Klein, expert en politique de santé à l’UBC, voit cette affaire comme emblématique de problèmes systémiques. « Notre recherche montre que 68% des travailleurs de la santé sont témoins de problèmes de sécurité qu’ils ne signalent jamais par peur de représailles, » m’a-t-il dit au téléphone. « La culture du silence coûte des vies. »
J’ai examiné plus de 200 pages de documents judiciaires et interviewé huit employés actuels de Fraser Health qui ont demandé l’anonymat. Leurs témoignages dressent un portrait inquiétant d’une organisation où soulever des préoccupations mène à l’isolement professionnel et au congédiement éventuel. Une infirmière a décrit comment ses collègues documentent les problèmes de sécurité dans des journaux personnels plutôt que par les canaux officiels « parce que le système de signalement est un piège. »
L’Association canadienne de protection médicale, qui a soutenu la cause du Dr Smyrichinsky, a publié une déclaration soulignant l’effet dissuasif que de telles représailles ont sur la défense des patients. Leurs données indiquent une augmentation de 43% des médecins rapportant des conséquences professionnelles après avoir soulevé des préoccupations institutionnelles de sécurité depuis 2018.
La porte-parole de Fraser Health, Jennifer Wilson, a fourni une brève déclaration: « Nous sommes heureux d’être parvenus à une résolution mutuellement acceptable et restons engagés envers la sécurité des patients comme notre plus haute priorité. » Lorsqu’interrogée sur les changements de politique spécifiques pour protéger les futurs lanceurs d’alerte, Wilson a refusé tout commentaire supplémentaire.
Le ministre provincial de la Santé, Adrian Dix, est resté notablement silencieux sur l’affaire malgré plusieurs demandes de commentaires. Le cadre de protection des lanceurs d’alerte du ministère, lancé en 2019, a été critiqué par les défenseurs de la santé comme étant inefficace et procéduralement lourd pour ceux qui cherchent une protection.
« On ne peut pas surestimer le courage nécessaire pour sacrifier sa carrière au nom de la sécurité des patients, » a déclaré le Dr Smyrichinsky, visiblement ému à la fin de notre entrevue. « J’espère que ce règlement facilitera les choses pour le prochain médecin ou infirmier qui fait face à ce choix impossible. »
Pour les lanceurs d’alerte du secteur de la santé, cette affaire représente une victoire rare. La Coalition de la santé de la Colombie-Britannique, qui a déposé un mémoire d’amicus curiae soutenant le Dr Smyrichinsky, a documenté 27 cas similaires de représailles apparentes contre des travailleurs de la santé ayant signalé des problèmes de sécurité depuis 2018. Seuls trois ont abouti à des résultats favorables pour les lanceurs d’alerte.
Le règlement soulève des questions plus larges sur la gouvernance des soins de santé en Colombie-Britannique. Une étude de 2022 publiée dans le Journal de l’Association médicale canadienne a révélé que 76% des médecins hospitaliers craignent des répercussions sur leur carrière s’ils signalent des défaillances systémiques ou des pratiques dangereuses.
Le Dr Smyrichinsky prévoit de déménager dans une autre province pour redémarrer sa carrière, bien qu’il ait exprimé son inquiétude quant à l’impact durable d’être étiqueté comme un fauteur de troubles. « Le milieu médical est petit, » a-t-il noté. « Les nouvelles circulent vite. »
Alors que notre système de santé continue de faire face à des pressions sans précédent, cette affaire souligne l’importance vitale de créer des canaux sécuritaires pour que ceux en première ligne puissent s’exprimer sans crainte. L’alternative—le silence face à des préjudices évitables—est une ordonnance pour la tragédie que nous ne pouvons pas nous permettre d’exécuter.