La question à 11 millions de dollars qui planait sur Lightspeed a finalement trouvé sa réponse. Le fournisseur montréalais de technologie de point de vente a accepté de verser cette somme substantielle pour régler un recours collectif qui pesait sur l’entreprise depuis ses premiers pas en tant qu’entité publique.
Pour les observateurs canadiens de la tech qui ont suivi le parcours de Lightspeed, de startup locale à entreprise cotée au NYSE, ce règlement marque un chapitre important dans l’évolution de l’entreprise. Le recours collectif québécois, qui alléguait que l’entreprise avait induit les investisseurs en erreur sur ses perspectives commerciales et ses indicateurs de performance pendant une période de croissance critique, a maintenant trouvé une résolution que les deux parties semblent désireuses de mettre derrière elles.
« Les entreprises technologiques font souvent face à une période de vérité lorsqu’elles passent des marchés privés aux marchés publics, » explique Marie Leduc, experte en litiges de valeurs mobilières chez Fraser Associés à Montréal. « L’examen s’intensifie, et les divulgations qui semblaient adéquates lors des rondes de financement privées se retrouvent soudainement sous les microscopes des régulateurs et des actionnaires. »
Ce règlement, qui nécessite encore l’approbation du tribunal, survient à un moment charnière pour Lightspeed. La plateforme de traitement des paiements et de commerce a traversé à la fois la volatilité liée à la pandémie et la correction plus large du marché technologique qui a reconfiguré les valorisations dans l’ensemble du secteur depuis 2021.
Ce qui rend cette affaire particulièrement remarquable, c’est la façon dont elle reflète les difficultés de croissance communes aux entreprises technologiques canadiennes en expansion. La trajectoire de Lightspeed – de success story québécoise en matière d’innovation à plateforme de commerce mondiale – reflète le chemin que de nombreuses startups canadiennes aspirent à suivre. Pourtant, les défis juridiques mettent en évidence les responsabilités accrues qui accompagnent l’argent des investisseurs publics.
« Lorsque vous prenez des millions auprès de capital-risqueurs, il y a une diligence raisonnable importante, mais elle est limitée à un groupe relativement restreint d’investisseurs avertis, » explique Omar Dhalla, ancien dirigeant de fintech et actuel investisseur dans des startups canadiennes. « Mais une fois que vous êtes public, vos déclarations atteignent des investisseurs particuliers ordinaires qui s’appuient sur vos représentations d’une manière différente. »
Le règlement n’inclut aucune reconnaissance de responsabilité de la part de Lightspeed, qui a constamment nié les allégations depuis leur première apparition. Ce schéma – d’entreprises technologiques réglant les réclamations des investisseurs sans admettre de faute – est devenu de plus en plus courant sur les marchés canadiens et américains.
L’impact financier semble gérable pour Lightspeed, qui a déclaré plus de 730 millions de dollars de revenus annuels lors de son dernier exercice fiscal. Les 11 millions représentent environ 1,5% de ce chiffre – suffisamment significatif pour apparaître dans les rapports trimestriels mais guère existentiel pour une entreprise de l’envergure de Lightspeed.
Ce qui est particulièrement intéressant dans le timing, c’est la façon dont il coïncide avec des changements plus larges dans le paysage de la technologie des paiements. Des concurrents comme Shopify et Square (maintenant Block) ont également fait face à l’examen minutieux des investisseurs concernant les métriques de croissance et les déclarations prospectives. L’ensemble du secteur a recalibré ses attentes après que le boom du commerce numérique alimenté par la pandémie ait cédé la place à des modèles de croissance plus normalisés.
Pour l’écosystème technologique du Québec, les implications sont mitigées. La province a travaillé avec diligence pour se positionner comme un environnement propice à l’innovation technologique, Montréal émergeant comme un hub de l’IA et de la technologie commerciale. Des cas comme celui-ci mettent en évidence à la fois la maturation de l’écosystème et les difficultés de croissance qui l’accompagnent.
« Nous voyons des entreprises basées au Québec atteindre des échelles qui auraient été inimaginables il y a quinze ans, » note Jean-Philippe Vergne, qui étudie la gouvernance technologique à l’École de commerce Ivey. « Avec cette échelle viennent de nouveaux défis – la réglementation, la gouvernance et les relations avec les investisseurs deviennent aussi critiques que le développement de produits. »
Pour les investisseurs qui ont participé au recours collectif, le règlement offre une certaine récupération financière, bien que généralement ces résolutions ne restituent qu’une fraction des pertes réclamées. Plus important encore, l’affaire démontre la sophistication croissante des litiges canadiens en matière de valeurs mobilières, qui ont historiquement été moins actifs que leurs homologues américains.
Pour Lightspeed, l’avenir immédiat implique le défi de reconstruire la confiance avec la communauté d’investissement tout en exécutant sa stratégie d’expansion internationale. L’entreprise a activement acquis des entreprises complémentaires pour étendre sa portée géographique et ses offres de services – une stratégie qui nécessite un accès continu aux marchés des capitaux.
Pour le secteur technologique canadien au sens large, l’affaire offre des leçons précieuses sur la transition des marchés privés aux marchés publics. À mesure que davantage de startups canadiennes envisagent de devenir publiques – soit par des introductions en bourse traditionnelles, soit par des fusions SPAC de plus en plus populaires – l’expérience de Lightspeed fournit une étude de cas sur la gestion des communications avec les investisseurs et des attentes.