À la suite de la panne Rogers de l’été dernier qui a laissé des millions de Canadiens sans accès aux services bancaires, aux services d’urgence 911 et aux communications de base, l’organisme fédéral de réglementation des télécommunications a finalement dévoilé de nouvelles règles exigeant que les fournisseurs avertissent leurs clients dans les 30 minutes suivant une perturbation majeure.
Le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC) a annoncé jeudi que les entreprises de télécommunications doivent désormais fournir une notification rapide aux clients et aux services essentiels lors de pannes importantes du réseau. Cette décision représente l’une des réponses réglementaires les plus concrètes à la panne de Rogers de juillet 2022 qui avait paralysé une grande partie du pays pendant près de 19 heures.
« Les Canadiens méritent mieux que d’apprendre les interruptions de service via les médias sociaux ou le bouche-à-oreille, » a déclaré la présidente du CRTC, Vicky Eatrides, dans l’annonce. « Quand les réseaux tombent en panne, les gens ont besoin d’informations opportunes sur ce qui se passe et quand ils peuvent s’attendre à ce que le service reprenne. »
Selon le nouveau cadre, les entreprises de télécommunications qui subissent des pannes majeures doivent fournir leur première notification publique dans les 30 minutes, suivie de mises à jour toutes les deux heures jusqu’à ce que le service soit rétabli. Les entreprises doivent utiliser plusieurs canaux, notamment leurs sites Web, leurs applications et leurs comptes de médias sociaux, pour s’assurer que l’information atteint les clients touchés.
Ces exigences s’appliquent aux pannes d’une durée d’au moins 60 minutes et touchant au moins 100 000 foyers. Pour les infrastructures critiques comme les hôpitaux, les postes de police et les centres d’opérations d’urgence, les fournisseurs doivent maintenir des canaux de communication directs et les aviser des perturbations dans un délai de 15 minutes.
La panne de Rogers a mis en évidence de dangereuses lacunes dans l’infrastructure de télécommunications du Canada lorsqu’une mise à jour matinale du réseau s’est transformée en panne nationale. La perturbation a empêché des millions de personnes de passer des appels, d’accéder à Internet ou de traiter des paiements. Plus inquiétant encore pour les responsables de la sécurité publique, certains Canadiens ne pouvaient pas joindre les services d’urgence 911.
« Ce que nous avons vu avec Rogers démontre à quel point notre infrastructure numérique peut être fragile, » a déclaré Dwayne Winseck, professeur à l’École de journalisme et de communication de l’Université Carleton. « Ces nouvelles exigences reconnaissent que les télécommunications ne sont plus des services de luxe, mais des services essentiels dont dépend la vie des gens. »
Le ministre de l’Industrie, François-Philippe Champagne, qui avait convoqué les PDG des télécommunications pour une réunion d’urgence après l’incident Rogers, a salué la décision du CRTC, mais a suggéré que d’autres mesures pourraient être nécessaires.
« Bien que ces exigences de notification représentent un progrès, nous continuons d’examiner si des changements structurels sont nécessaires pour assurer la résilience du réseau, » a déclaré Champagne aux journalistes à Ottawa. « Le statu quo n’est tout simplement pas acceptable lorsque tant de Canadiens dépendent de ces services pour leur subsistance et leur sécurité. »
Le Centre pour la défense de l’intérêt public, qui avait réclamé des exigences encore plus strictes, a décrit les nouvelles règles comme « un pas dans la bonne direction, mais guère révolutionnaire. » Le directeur exécutif John Lawford a noté que le délai de notification de 30 minutes laisse encore un écart important pour les services essentiels.
« Une demi-heure, c’est une éternité quand on ne peut pas appeler le 911, » a déclaré Lawford. « Nous avions préconisé des notifications immédiates et des sanctions plus sévères en cas de non-conformité. »
Les nouvelles règles exigent également que les fournisseurs soumettent des rapports post-mortem détaillés au CRTC dans les 10 jours ouvrables suivant des pannes majeures, expliquant ce qui a mal fonctionné et décrivant les mesures prises pour prévenir des perturbations similaires.
Bell, Rogers et Telus ont publié des déclarations presque identiques accueillant favorablement les nouvelles exigences tout en soulignant leurs systèmes de notification existants. Rogers a souligné ses protocoles de notification améliorés mis en œuvre après la panne de l’année dernière, bien que les défenseurs des consommateurs notent que ceux-ci étaient largement volontaires jusqu’à présent.
Selon un récent sondage Angus Reid, 76 % des Canadiens s’inquiètent de leur capacité à contacter les services d’urgence pendant les pannes de réseau, et 82 % soutiennent une réglementation plus stricte des entreprises de télécommunications.
Les exigences entrent en vigueur le 1er janvier, donnant aux fournisseurs plusieurs mois pour mettre en œuvre les changements techniques et procéduraux nécessaires. Le CRTC a indiqué qu’il effectuera une révision après 18 mois pour évaluer l’efficacité du nouveau cadre.
Pour les communautés rurales, où les options de connexion alternatives sont limitées, les perturbations du réseau peuvent être particulièrement isolantes. Sarah Johnson, mairesse d’une petite communauté du nord de l’Ontario, a exprimé un optimisme prudent quant aux changements.
« Quand notre internet tombe en panne ici, nous sommes complètement coupés du monde, » a expliqué Johnson. « Savoir quand le service pourrait être rétabli nous aiderait au moins à planifier en conséquence, mais ce dont nous avons vraiment besoin, c’est plus de redondance réseau dans les zones rurales. »
L’annonce du CRTC fait suite aux recommandations des audiences parlementaires de l’an dernier sur la panne Rogers, bien que certains experts se demandent si les exigences de notification à elles seules répondent au problème sous-jacent de la vulnérabilité du réseau.
« Informer les gens que leur service est en panne est utile, mais prévenir les pannes en premier lieu devrait être la priorité, » a déclaré l’analyste technologique Ritesh Kotak. « Le marché des télécommunications au Canada manque de pression concurrentielle qui pourrait inciter les fournisseurs à investir davantage dans la résilience du réseau. »
L’organisme de réglementation a indiqué que des exigences supplémentaires concernant la fiabilité et la redondance du réseau demeurent à l’étude dans le cadre de son examen plus large de la politique des télécommunications.