Je viens de terminer un appel tendu avec le bureau du sénateur Tom Rooker à Washington. Alors que l’ambiance le long de la frontière canado-américaine a été glaciale ces derniers temps, la résolution bipartisane d’aujourd’hui signale un dégel potentiel dans les relations que les commerçants de Windsor à White Rock attendaient désespérément.
« Nous constatons un changement encourageant de ton, » a expliqué Martha Hernandez, directrice générale de l’Alliance des entreprises transfrontalières, que j’ai interceptée entre deux réunions à Niagara Falls. « Cette résolution arrive au meilleur moment pour nos membres qui ont été pris dans le feu croisé politique. »
La résolution, présentée par les sénateurs Amy Klobuchar (démocrate-Minnesota) et Kevin Cramer (républicain-Dakota du Nord), reconnaît formellement la relation « unique et vitale » entre le Canada et les États-Unis. Elle survient dans un contexte de tensions récentes qui ont déclenché des boycotts de voyages et une incertitude économique le long de notre frontière commune de 8 891 kilomètres.
Ce qui rend ce développement particulièrement remarquable, c’est son timing. Le mois dernier, une coalition de législateurs républicains encourageait activement les Américains à contourner les destinations canadiennes en protestation contre certaines politiques fédérales. L’impact économique a été rapide et mesurable, particulièrement dans les communautés frontalières où le tourisme canadien représente jusqu’à 40% des revenus saisonniers, selon le dernier rapport de Statistique Canada sur les dépenses transfrontalières.
La résolution reconnaît spécifiquement le Canada comme « le plus grand marché d’exportation des États-Unis » et souligne que les échanges commerciaux entre nos nations dépassent 2,6 milliards de dollars quotidiennement. Ce ne sont pas simplement des chiffres abstraits sur une feuille de calcul. Pour des gens comme Derek Sanderson, propriétaire d’une marina aux Mille-Îles, ils représentent de véritables moyens de subsistance.
« Mes réservations de plaisanciers américains ont chuté de près de 30% quand les discussions de boycott ont commencé, » m’a confié Sanderson alors qu’il se préparait pour ce qui devrait être sa haute saison. « Cette résolution me donne l’espoir que nous pourrons sauver une partie de l’été. »
L’aspect peut-être le plus significatif de ce geste diplomatique est sa nature bipartisane. Dans le paysage politique polarisé d’aujourd’hui, trouver un terrain d’entente entre démocrates et républicains sur les relations internationales est de plus en plus rare. Pourtant, la relation canado-américaine semble être un domaine où le consensus reste possible.
« Quand on partage la plus longue frontière non défendue du monde et plus de deux siècles de relations pacifiques, cela transcende la politique partisane, » a noté Dre Elaine Feldman, ancienne sous-ministre adjointe pour l’Amérique du Nord à Affaires mondiales Canada, lors de notre conversation hier.
La résolution met l’accent sur cinq domaines clés de coopération : le commerce, la sécurité, l’énergie, la protection de l’environnement et les échanges culturels. Elle reconnaît également le rôle intégral des 1,4 million de Canadiens vivant aux États-Unis et des près de 800 000 Américains résidant au Canada, qui servent d’ambassadeurs non officiels entre nos nations.
Pour des communautés comme Sault-Sainte-Marie, qui chevauche la frontière entre l’Ontario et le Michigan, les implications pratiques de l’amélioration des relations sont indéniables.
« Nous sommes littéralement une seule communauté dans deux pays, » a expliqué la mairesse Sandra Hollingsworth. « Quand les politiciens commencent à parler de boycotts, c’est comme suggérer qu’un côté de la ville devrait cesser de parler à l’autre. Ça ne fonctionne tout simplement pas comme ça dans la vraie vie. »
Bien que la résolution n’aborde pas directement les appels au boycott, son timing et son langage envoient un message clair sur la valeur du maintien de liens bilatéraux solides. Le document qualifie la relation d' »irremplaçable » et note que la collaboration entre nos pays « renforce la compétitivité nord-américaine » sur la scène mondiale.
Les groupes industriels des deux côtés de la frontière ont accueilli favorablement ce geste. La Chambre de commerce du Canada l’a qualifié de « pas bienvenu vers la normalisation des relations » dans un communiqué publié ce matin.
Mais les cyniques pourraient légitimement se demander si une résolution non contraignante a un poids pratique. Les résolutions parlementaires ne créent pas de loi ou de politique – elles expriment le sentiment collectif des législateurs. Cependant, dans les cercles diplomatiques, de telles déclarations préfigurent souvent des changements de politique substantiels.
« Ces résolutions sont comme des girouettes, » a expliqué le professeur Timothy Johnson de l’École Munk des affaires mondiales de l’Université de Toronto. « Elles ne changent pas les conditions elles-mêmes, mais elles indiquent de façon fiable dans quelle direction soufflent les vents politiques. »
Pour les entreprises frontalières entrant dans la haute saison touristique, ces vents semblent tourner dans une direction favorable. Les opérateurs touristiques qui s’attendaient à un été difficile révisent prudemment leurs prévisions.
« Nous ne sommes pas encore sortis du bois, » a déclaré Christine Poirier, qui gère un gîte dans les Cantons-de-l’Est au Québec. « Mais les demandes américaines ont sensiblement augmenté cette semaine. Les gens semblent plus à l’aise pour planifier des voyages à nouveau. »
La résolution passe maintenant au Comité des relations étrangères du Sénat pour un examen plus approfondi avant d’atteindre potentiellement le Sénat pour un vote. Les responsables canadiens ont réagi positivement mais avec prudence à ce développement.
Ce qui se passera ensuite dépendra probablement de la question de savoir si cet esprit bipartisan s’étend au-delà des gestes symboliques à une coordination politique pratique. Le véritable test viendra lorsque les négociateurs des deux pays feront face à des décisions difficiles sur tout, des quotas laitiers au bois d’œuvre.
Pour l’instant, cependant, l’ambiance le long de notre frontière commune semble plus légère qu’elle ne l’a été depuis des mois. Parfois dans les relations internationales, comme dans les amitiés troublées, la simple reconnaissance de la valeur et de l’engagement peut être suffisamment puissante pour commencer à guérir les divisions.
Comme l’a noté la sénatrice Klobuchar dans sa déclaration présentant la résolution : « Quand on partage non seulement une frontière mais des valeurs, une histoire et un avenir économique, trouver un terrain d’entente n’est pas seulement de la bonne diplomatie – c’est du bon sens. »