Je me suis arrêté près de l’entrée de la Basilique Notre-Dame de Montréal, quelque part entre touriste et journaliste. La lumière matinale filtrait à travers les vitraux, projetant des teintes bleues et violettes sur le plancher de bois usé où je me tenais. Ce n’était pas ma première visite à cette église emblématique, mais aujourd’hui était différent. Aujourd’hui, le cœur battant de la basilique était en train d’être restauré.
« C’est bien plus qu’un simple instrument de musique, » m’expliquait Jean-François Latour, ses mains planant protectivement au-dessus du piano Casavant centenaire alors que nous nous tenions dans le transept est de la basilique. « Quand ce piano est arrivé en 1922, il a été témoin de tous les moments importants qui se sont déroulés entre ces murs. »
Le piano Casavant—à ne pas confondre avec le célèbre orgue de la basilique—a accompagné d’innombrables mariages, services funéraires et célébrations pour des générations de Montréalais. Pendant des décennies, ses tons riches ont complété les voix des chorales sous les arches néogothiques élancées de la basilique. Mais le temps avait laissé sa marque.
« Le piano a failli disparaître de l’histoire, » a dit Latour, conservateur principal du projet de restauration. « Lors de notre première évaluation il y a trois ans, plusieurs marteaux étaient brisés, la table d’harmonie présentait des fissures, et des décennies de poussière s’étaient accumulées à l’intérieur. »
La Basilique Notre-Dame, un lieu historique national qui attire près d’un million de visiteurs chaque année, se dresse dans le Vieux-Montréal depuis son achèvement en 1829. L’intérieur, avec ses bleus profonds, ses rouges et ses détails en feuille d’or, crée un espace sacré qui mélange des éléments gothiques français et baroques comme nulle autre église en Amérique du Nord.
Selon le Conseil du patrimoine religieux du Québec, des instruments comme ce Casavant représentent une intersection unique entre patrimoine culturel et religieux. Leur rapport de 2023 a noté que les instruments de musique historiques dans les édifices religieux du Québec disparaissent à un rythme alarmant à mesure que les églises ferment ou sont réaffectées.
La restauration elle-même a pris dix-huit mois—un équilibre délicat entre préservation et renouvellement. « Nous ne modernisons pas, » a précisé la technicienne de piano Marie-Claude Simard lorsque je l’ai rencontrée à l’atelier de conservation dans l’est de Montréal le mois dernier. « Notre objectif est de lui rendre sa voix d’origine sans effacer le caractère qui vient avec l’âge. »
Simard m’a montré les touches d’ivoire originales, qui avaient jauni avec le temps mais étaient restées intactes. « Chaque touche raconte une histoire, » a-t-elle dit, en tapotant doucement l’une d’elles. « Le léger creux dans le do central—c’est le résultat d’un siècle de musiciens trouvant leur place sur le clavier. »
L’équipe de restauration a consulté les archives de la Basilique et du Musée des beaux-arts de Montréal pour assurer l’exactitude historique. Ils ont utilisé des matériaux et techniques traditionnels dans la mesure du possible, bien que certains composants aient nécessité des solutions modernes.
« Les cordes métalliques suivent les spécifications d’origine, » a expliqué Simard. « Mais nous avons utilisé des adhésifs contemporains à certains endroits où ils sont structurellement nécessaires et invisibles à l’œil nu. »
Quand je suis revenu pour assister à la première représentation publique du piano depuis sa restauration, la basilique bourdonnait d’anticipation. Près de 300 personnes se sont rassemblées pour ce que le directeur culturel de la basilique, François Poitras, a appelé « une résurrection sonore. »
« Au Québec, nous avons des conversations essentielles sur la préservation du patrimoine religieux alors que la fréquentation des églises diminue, » m’a confié Poitras tandis que nous observions les derniers ajustements d’accordage avant le concert. « Ce piano représente quelque chose qui va au-delà de la religion—c’est notre mémoire culturelle partagée. »
L’étude de 2022 du ministère de la Culture du Québec sur le patrimoine religieux a révélé que les instruments de musique sont souvent négligés dans les efforts de préservation, malgré leur importance culturelle. Seulement environ 15 pour cent des instruments religieux historiques de la province ont reçu une restauration adéquate.
Pour Hélène Panaïoti, directrice générale de la Fondation de la Basilique Notre-Dame, la restauration du piano représente une mission plus large. « Nous préservons non seulement un objet mais une expérience, » a-t-elle expliqué. « Quand les visiteurs entendent ce piano dans cet espace acoustique, ils se connectent avec les générations passées d’une façon qui transcende les mots. »
Ce soir-là, tandis que le pianiste Philippe Prud’homme interprétait les Variations Goldberg de Bach sur le piano restauré, j’observais l’audience. Des paroissiens âgés fermaient les yeux, certains visiblement émus. Des touristes qui étaient entrés par hasard s’arrêtaient pour écouter. Une jeune étudiante en musique enregistrait des extraits sur son téléphone.
« On dirait qu’il respire à nouveau, » a chuchoté Michel Beaulieu, 82 ans, qui se souvenait d’avoir entendu le piano lors de sa première communion en 1949. « Cette résonance—c’est la même voix que j’ai entendue enfant. »
La restauration a coûté 87 000 $, financée par une combinaison de subventions gouvernementales, la fondation de la basilique et des dons communautaires. Bien que substantiel, cet investissement représente une fraction des besoins de préservation continue de la basilique, qui dépassent 15 millions de dollars pour la prochaine décennie selon Héritage Montréal.
Lorsque les dernières notes se sont estompées et que les applaudissements ont rempli l’espace, je me suis attardé pour parler avec Prud’homme. « Jouer sur un instrument restauré, c’est comme avoir une conversation avec l’histoire, » a-t-il réfléchi. « Le piano a des limitations et des caractéristiques que les instruments modernes n’ont pas—il vous force à vous adapter, à écouter différemment. »
Alors que Montréal lutte avec des questions de préservation du patrimoine au milieu des pressions de développement urbain, des projets comme cette restauration de piano offrent un modèle pour équilibrer conservation et utilisation continue. Plutôt que de reléguer des artefacts historiques dans des musées, la basilique a rendu cet instrument à son but original.
Le piano restauré fera maintenant partie de la programmation culturelle élargie de la basilique, incluant des récitals mensuels et des ateliers éducatifs pour les écoles locales. Selon Panaïoti, ces initiatives aideront à assurer que l’instrument reste une partie du patrimoine vivant plutôt que de devenir une pièce de musée.
En quittant la basilique ce soir-là, les rues du Vieux-Montréal étaient remplies du mélange habituel de touristes et de locaux. Peu de passants sauraient le travail minutieux qui avait été effectué pour ramener à la vie la voix de ce piano. Mais à l’intérieur de ces murs de pierre, quelque chose de précieux avait été retrouvé—pas seulement un instrument, mais une connexion aux innombrables moments dont il avait été témoin et à la musique encore à venir.