Le gouvernement fédéral a discrètement signalé qu’il ne prévoit pas de déposer un budget 2024 avant la fin de la pause pascale, repoussant ainsi la planification fiscale cruciale au plus tôt à la fin avril. Pour les Canadiens qui attendent des éclaircissements sur les priorités économiques après des mois de pressions sur le coût de la vie, cela représente un retard inhabituel dans le calendrier parlementaire normal.
« Nous envisageons un échéancier qui nous donne le temps de consulter correctement les Canadiens », a déclaré la ministre des Finances Chrystia Freeland aux journalistes lors d’un bref échange la semaine dernière. « La conjoncture économique exige une réflexion approfondie plutôt que des décisions précipitées. »
Ce retard survient alors que le gouvernement libéral fait face à des pressions croissantes sur plusieurs fronts – l’abordabilité du logement a atteint des niveaux critiques dans les grands centres urbains, les temps d’attente en santé continuent d’augmenter, et un récent sondage d’Abacus Data montre que près de 68 % des Canadiens classent les préoccupations économiques comme leur priorité absolue.
Dans les couloirs du pouvoir à Ottawa, le calcul semble plus politique que procédural. Un haut fonctionnaire du ministère des Finances, s’exprimant sous couvert d’anonymat, a reconnu que le calendrier correspond au besoin du gouvernement de recalibrer son message après des mois de baisse de popularité.
« Le budget représente une occasion de redémarrage », a noté le fonctionnaire. « Revenir après Pâques avec une nouvelle vision économique leur donne de l’élan avant la pause estivale. »
Les gouvernements précédents présentaient généralement leurs budgets entre février et mars, permettant ainsi une planification de la mise en œuvre avant le début de l’exercice financier le 1er avril. Le retard déclenche un financement intérimaire automatique par des mandats spéciaux, mais reporte la clarté sur les initiatives majeures promises lors de la mise à jour économique de l’automne dernier.
L’opposition n’a pas manqué l’occasion de critiquer ce calendrier. Le critique conservateur en matière de finances, Jasraj Singh Hallan, a qualifié ce retard d’« autre exemple d’un gouvernement qui a perdu sa capacité à assurer les fonctions de base en temps voulu ». Pendant la période des questions, il a pressé le gouvernement : « Les Canadiens doivent-ils attendre indéfiniment pendant que vous déterminez vos priorités ? »
Pendant ce temps, dans les communautés à travers le Canada, ce retard a des implications concrètes. À Thunder Bay, l’urbaniste municipale Rebecca Chisholm évoque des projets d’infrastructure désormais dans l’incertitude. « Nous avons trois grands projets de logements abordables qui nécessitent des confirmations de financement fédéral d’ici mai », a-t-elle expliqué. « Cette compression du calendrier signifie que nous pourrions manquer complètement la fenêtre de construction de cette année. »
Le retard budgétaire affecte également les provinces qui finalisent leurs propres plans financiers. Le ministre des Finances du Québec, Eric Girard, a récemment noté que les calculs de son gouvernement dépendent en partie des décisions de transferts fédéraux généralement clarifiées dans le budget d’Ottawa.
Pour les Canadiens ordinaires, les implications pratiques touchent directement les finances des ménages. Le gouvernement avait précédemment signalé son intention d’aborder l’abordabilité du logement par l’expansion des incitatifs pour les premiers acheteurs et des programmes de construction locative – des mesures maintenant repoussées.
Des analystes politiques suggèrent que ce retard reflète à la fois une stratégie politique et une véritable incertitude économique. « Les décisions de la Banque du Canada sur les taux d’intérêt et les chiffres surprenants de l’emploi en janvier ont créé un tableau économique complexe », note l’économiste Trevor Tombe de l’Université Carleton. « Le gouvernement souhaite probablement disposer de plus de données économiques avant de finaliser des engagements de dépenses majeurs. »
Les groupes d’affaires ont exprimé leur frustration face à ce calendrier. La Fédération canadienne de l’entreprise indépendante rapporte que 43 % de ses membres citent l’incertitude de planification comme un défi important pour 2024, les changements fiscaux et programmatiques fédéraux représentant une variable majeure inconnue.
Lorsque le Parlement reviendra après la pause pascale, le budget dominera probablement les discussions politiques, les partis d’opposition étant impatients de présenter ce retard comme la preuve d’échecs de gouvernance. Cependant, ce délai prolongé donne au gouvernement l’occasion de construire un ensemble économique plus complet qui pourrait aborder simultanément plusieurs points de pression.
Pour les communautés qui attendent des engagements de dépenses fédérales, l’impact pratique signifie des délais compressés pour mettre en œuvre les programmes avant la fin de l’année. Les défenseurs du logement s’inquiètent particulièrement que les saisons de construction dans les régions canadiennes aux climats restrictifs laissent peu de marge pour les retards administratifs.
D’après mes conversations avec des électeurs de quatre provinces au cours des dernières semaines, le sentiment qui prévaut reflète moins d’inquiétude quant au moment du budget que sur son contenu. « Peu m’importe quand ils l’annoncent », a déclaré Martin Chen, propriétaire d’une petite entreprise à Edmonton. « Ce qui m’importe, c’est de savoir s’il aide réellement les familles comme la mienne à faire face aux factures d’épicerie et aux coûts de logement qui ne cessent d’augmenter. »
Ce retard reflète finalement un gouvernement qui tente d’équilibrer des priorités concurrentes – restriction budgétaire contre demandes de dépenses, stimulus économique contre préoccupations d’inflation, et messages politiques contre substance des politiques. Lorsque le budget arrivera enfin après Pâques, les Canadiens jugeront si ce temps de préparation prolongé a abouti à des solutions économiques plus efficaces.
En attendant, les comités parlementaires poursuivent les consultations prébudgétaires, le Comité des finances entendant des intervenants allant des groupes de défense contre la pauvreté aux associations industrielles. Leurs recommandations soulignent les divers défis auxquels font face les planificateurs budgétaires – du financement de l’adaptation climatique à l’augmentation des transferts en santé et à l’allègement ciblé de l’inflation.
À l’approche d’avril, la question demeure de savoir si ce budget retardé représente une planification réfléchie ou une procrastination politique. Pour les ménages et les entreprises canadiennes qui tentent de planifier leur propre avenir financier, la réponse importe moins que les solutions que le document contiendra finalement.