Le soleil miroitait hier sur les eaux agitées du fleuve Saint-Laurent tandis que les responsables fédéraux mobilisaient navires et aéronefs à la recherche d’une baleine noire de l’Atlantique Nord, espèce en voie de disparition critique, empêtrée dans des engins de pêche. L’animal, repéré la semaine dernière par des équipes de recherche près de la péninsule gaspésienne, représente plus qu’une simple opération de sauvetage—il incarne la tension persistante entre les réglementations de protection marine et les préoccupations de l’industrie de la pêche qui affectent nos communautés côtières depuis des années.
« Cette situation est précisément ce pour quoi nos protocoles d’intervention d’urgence ont été conçus, » a déclaré Martin Desrosiers, porte-parole de Pêches et Océans Canada, lors d’un point presse matinal. « Mais le défi reste de localiser la baleine dans une voie navigable aussi vaste, pendant que les conditions météorologiques sont favorables au dégagement. »
Il ne reste qu’environ 340 baleines noires de l’Atlantique Nord dans le monde, le Saint-Laurent servant d’aires d’alimentation estivales cruciales pour près d’un tiers de la population. Ce qui rend ce cas particulièrement urgent, c’est qu’il survient en plein cœur d’un débat politique déjà tendu sur les zones marines protégées et les restrictions de pêche.
Pour Marie Beauchamp, pêcheuse gaspésienne, ces incidents suscitent des émotions mitigées. « Nous voulons que ces animaux prospèrent—personne ne veut voir une baleine souffrir, » m’a-t-elle confié en réparant des filets au port de Rivière-au-Renard. « Mais chaque fois que cela se produit, nous nous préparons à de nouvelles restrictions qui pourraient être imposées sans consultation adéquate des gens qui connaissent le mieux ces eaux. »
Les équipes de sauvetage de la Société de réponse aux animaux marins travaillent en coordination avec leurs homologues américains du Center for Coastal Studies, démontrant comment la conservation marine transcende les frontières nationales. Des équipes spécialement formées ont été autorisées à approcher la baleine si elle est retrouvée—une tâche dangereuse nécessitant précision et expérience.
La baleine a été initialement repérée traînant ce qui semblait être des engins de pêche commerciale, bien que les responsables aient pris soin de ne pas attribuer la responsabilité à une pêcherie spécifique. Cette approche diplomatique reflète les leçons tirées des disputes houleuses de 2017, lorsque plusieurs morts de baleines noires dans le golfe du Saint-Laurent ont déclenché des fermetures massives de pêche qui ont coûté des millions en pertes de revenus aux communautés maritimes.
Les mesures de protection du Canada pour les baleines noires ont considérablement évolué depuis. Transports Canada impose désormais des restrictions saisonnières de vitesse pour les navires, tandis que Pêches et Océans applique des fermetures dynamiques de zones de pêche lorsque des baleines sont détectées. L’approche a montré des résultats prometteurs—aucune baleine noire n’est morte dans les eaux canadiennes en 2020 ou 2021. Mais le rétablissement fragile reste menacé par chaque nouvel empêtrement.
Les impacts financiers de ces efforts de conservation ne sont pas théoriques. Le gouvernement fédéral a investi plus de 75 millions de dollars dans la protection des baleines depuis 2018, selon les registres d’Environnement Canada. Cela comprend le financement de technologies d’engins de pêche sans cordage, de systèmes de suivi des navires et d’une surveillance aérienne élargie. Pendant ce temps, les pêcheries québécoises ont signalé environ 20 millions de dollars de pertes de revenus durant la première année des restrictions renforcées.
« Le véritable défi est de trouver un juste équilibre entre protection et moyens de subsistance, » a déclaré Dre Emily Chartrand, experte en politique marine à l’Université Dalhousie. « Ce ne sont pas seulement des règlements abstraits—ils déterminent directement si les familles côtières peuvent joindre les deux bouts tout en garantissant que ces magnifiques animaux survivent pour les générations futures. »
Des sondages récents de l’Institut Angus Reid suggèrent que 78 % des Canadiens soutiennent des mesures renforcées de protection des baleines, mais ce soutien tombe à 52 % dans les communautés directement touchées par les restrictions de pêche. Cette division urbaine-rurale reflète des tensions similaires observées dans d’autres domaines de politique environnementale.
L’opération de recherche d’hier impliquait deux navires de la Garde côtière, un avion de surveillance de Transports Canada et plusieurs navires de recherche déjà engagés dans la surveillance des baleines dans la région. La fenêtre météorologique pour une intervention réussie reste incertaine, les prévisions annonçant une détérioration des conditions d’ici le milieu de la semaine.
Pour les communautés côtières le long du Saint-Laurent, le résultat de cet effort de sauvetage résonnera au-delà d’une seule baleine. Il représente la conversation continue sur la façon dont le Canada équilibre les intérêts économiques avec ses engagements internationaux pour protéger les espèces en voie de disparition.
« Nous avons appris que les fermetures générales ne sont pas toujours la solution, » a noté André Lamontagne, ministre québécois des Pêcheries, lors d’une récente table ronde provinciale sur les pêches. « Ce qui fonctionne, ce sont des approches collaboratives qui respectent à la fois la science et les générations de connaissances que nos communautés de pêcheurs apportent à la table. »
L’approche du gouvernement fédéral en matière de protection des baleines est devenue de plus en plus sophistiquée, avec des fermetures ciblées plutôt que des arrêts généralisés. Pêches et Océans déploie maintenant des dispositifs d’écoute sous-marine et effectue régulièrement des relevés aériens pour localiser précisément les baleines, permettant des décisions de gestion plus précises.
Alors que la recherche se poursuit aujourd’hui, nombreux sont ceux qui, dans les communautés côtières, observent attentivement. Le résultat influencera sans doute les consultations à venir sur les expansions des zones marines protégées prévues pour la région du Golfe au printemps prochain. Ce qui arrive à cette unique baleine empêtrée pourrait bien façonner les conversations sur la politique marine pour les années à venir.
Pour l’instant, la priorité reste de trouver et de libérer l’animal en détresse avant qu’il ne soit trop tard. Comme l’a dit un sauveteur de baleines chevronné: « Parfois, sauver une baleine représente plus que cette baleine—il s’agit de montrer que nous pouvons trouver des solutions qui fonctionnent pour tous ceux qui partagent ces eaux. »