Dans les rues tranquilles de Somba K’e, le gel matinal craque sous nos bottes tandis que l’Aînée Sarah Tlokka guide notre petit groupe vers le jardin de guérison derrière le Centre d’amitié Tree of Peace de Yellowknife. La vapeur s’élève des tasses de thé du Labrador alors que nous formons un cercle, le soleil émergeant à peine à l’horizon. C’est la première matinée de la Semaine nationale de sensibilisation aux dépendances, et partout dans les Territoires du Nord-Ouest, les communautés se rassemblent pour lancer ce que beaucoup espèrent devenir une approche transformatrice du soutien aux dépendances.
« Dans notre tradition, la guérison ne se fait pas seul, » dit Tlokka, sa voix douce mais résolue alors qu’elle fait un geste vers les personnes autour de nous. « Quand quelqu’un lutte contre une dépendance, ce n’est pas seulement son parcours. Il s’agit de restaurer ses liens—avec la famille, avec la communauté, avec le territoire. »
Cette philosophie est au cœur de l’ambitieuse initiative « Ancrer l’Espoir », dévoilée hier par le gouvernement territorial comme pièce maîtresse de la Semaine nationale de sensibilisation aux dépendances 2025, qui se déroule du 17 au 23 novembre. Le programme représente un changement significatif par rapport aux approches précédentes, intégrant les systèmes de connaissances autochtones traditionnelles aux meilleures pratiques cliniques pour créer ce que la ministre de la Santé Diane Thom décrit comme « un réseau de soutien qui honore à la fois les données probantes et la sagesse culturelle. »
Le moment ne pourrait être plus critique. Les données récentes du Bureau des statistiques des TNO montrent que les troubles liés à la consommation de substances touchent environ 19 % de la population du territoire, soit près du double de la moyenne nationale. Plus inquiétant encore, l’Institut canadien d’information sur la santé rapporte que les taux d’hospitalisation liés aux méfaits des substances dans les TNO restent parmi les plus élevés au Canada, avec des impacts particulièrement dévastateurs dans les petites communautés.
Derrière ces statistiques se cachent des histoires de traumatismes intergénérationnels, d’isolement et de l’héritage persistant des politiques coloniales. Mais tout aussi présentes sont les histoires de résilience, de réclamation culturelle et de guérison menée par la communauté—des éléments que la nouvelle initiative cherche à amplifier.
« Pendant trop longtemps, nous avons traité la dépendance soit comme un échec moral, soit comme une condition purement médicale, » explique Dr. Marie Catholique, une médecin inuvialuit qui a participé à la conception du programme. « Mais ici dans le Nord, nous comprenons que c’est beaucoup plus complexe. Ancrer l’Espoir reconnaît que la guérison passe par les relations—entre nous, avec la culture, avec le lieu. »
L’initiative représente un investissement de 7,2 millions de dollars répartis sur trois ans, avec un financement obtenu grâce à une combinaison de ressources territoriales et de soutien fédéral par l’intermédiaire du Programme canadien sur l’usage et les dépendances aux substances. Ce qui la rend distinctive est son approche dirigée par la communauté : plutôt que d’imposer des solutions uniformes, chacune des 33 communautés des TNO reçoit des ressources pour développer des programmes localisés guidés par sept principes fondamentaux.
À Fort Good Hope, cela signifie la création d’un programme de guérison axé sur le territoire où les Aînés et les jeunes conseillers travaillent ensemble pour soutenir ceux en rétablissement. À Inuvik, cela se traduit par un nouveau réseau de soutien par les pairs fonctionnant aux côtés du centre de traitement existant. Et à Yellowknife, cela inclut l’expansion du programme Healing Drum, qui a montré des résultats prometteurs pour aider les gens à maintenir la sobriété grâce à la reconnexion culturelle.
J’ai passé mardi dernier après-midi au programme Healing Drum, où les participants se réunissent chaque semaine pour apprendre des chants traditionnels, des histoires et des techniques de tambour. Thomas Neyelle, qui est en rétablissement depuis trois ans, attribue au programme son aide pour maintenir sa sobriété quand d’autres approches ont échoué.
« Quand je joue du tambour, je me sens connecté à quelque chose de plus grand que moi-même, » me confie Neyelle alors qu’il ajuste soigneusement la tension de la peau de son tambour. « Il ne s’agit pas seulement de ne pas boire. Il s’agit de me rappeler qui je suis et d’où je viens. »
Cette emphase sur l’identité et l’appartenance représente un écart significatif par rapport aux approches purement cliniques du traitement des dépendances. Des recherches du Journal canadien de la santé mentale communautaire suggèrent que les interventions ancrées culturellement montrent des promesses particulières dans les communautés autochtones, où les troubles liés à l’usage de substances sont souvent entrelacés avec des traumatismes historiques et une déconnexion culturelle.
Pourtant, des défis demeurent. La vaste géographie des Territoires du Nord-Ouest signifie que les services spécialisés restent concentrés dans les centres régionaux, créant des obstacles pour ceux dans les communautés plus éloignées. Les défis de transport, l’infrastructure de santé limitée et le coût élevé de la vie dans le Nord compliquent tous la prestation de services.
« Nous ne nous faisons pas d’illusion que cette initiative résout tout, » admet Thom. « Mais elle représente un pas significatif vers une approche plus holistique—une qui reconnaît la dépendance non pas seulement comme un problème de santé mais comme un enjeu communautaire. »
Les événements de la semaine comprennent des festins communautaires, des ateliers, des discussions menées par les jeunes et des cercles de guérison à travers le territoire. À Behchokǫ̀, une cérémonie de prière de 24 heures honorera ceux perdus à cause de la dépendance. À Fort Smith, des élèves du secondaire organisent une exposition d’art « Voix du rétablissement ». Et dans presque chaque communauté, des « cérémonies d’ancrage » inviteront les résidents à placer symboliquement des pierres représentant leurs engagements à soutenir ceux affectés par la dépendance.
De retour au jardin de guérison à Yellowknife, l’Aînée Tlokka offre du tabac au feu alors que notre cercle matinal touche à sa fin. « Quand quelqu’un se noie, on ne lui lance pas seulement une bouée de sauvetage, » dit-elle. « On le ramène au rivage. On l’enveloppe de chaleur. On reste avec lui jusqu’à ce qu’il retrouve sa force. C’est ce que signifie ‘Ancrer l’Espoir’ pour moi—pas seulement sauver des vies, mais créer un espace pour la guérison. »
Alors que les Territoires du Nord-Ouest continuent de naviguer dans les défis complexes de la dépendance, le succès de cette initiative sera ultimement mesuré non seulement par des statistiques, mais par des histoires—des histoires de communautés qui s’unissent, de connaissances culturelles réclamées, et d’individus retrouvant leur chemin vers eux-mêmes, une connexion à la fois.
Pour plus d’informations sur les événements de la Semaine nationale de sensibilisation aux dépendances dans votre communauté, visitez le site web du gouvernement des Territoires du Nord-Ouest ou contactez votre centre de santé local.