Le soleil perce la brume matinale tandis que j’observe les danseurs de la Nation Tsuut’ina se préparer pour leur grande entrée au Stampede de Calgary. Leurs regalia captent la lumière—les perles minutieusement cousues scintillent, les plumes d’aigle ondulent à chaque mouvement précis. Ce n’est pas une simple préparation pour un spectacle; c’est la continuation de traditions qui précèdent le Stampede lui-même de plusieurs siècles.
« Nous avons toujours été ici, » me confie l’Aînée Rose Runner, en ajustant la robe à clochettes de sa petite-fille. « Mais maintenant, nous sommes vus d’une façon que nos grands-parents n’auraient jamais pu imaginer. »
Depuis 112 ans, le Stampede de Calgary s’est imposé comme « Le plus grand spectacle extérieur au monde, » attirant plus d’un million de visiteurs chaque année pour ses compétitions de rodéo, ses courses de chariots, et ses attractions foraines. Mais sous le vernis des chapeaux de cow-boy et des déjeuners aux crêpes se cache une évolution culturelle complexe qui reflète le parcours de réconciliation du Canada.
Le Stampede a commencé en 1912 lorsque le promoteur américain Guy Weadick a convaincu quatre riches éleveurs de financer une exposition sur la frontière. Ce qui a débuté comme une célébration d’un Far West romancé s’est progressivement transformé en quelque chose de plus nuancé—un reflet de l’identité multiculturelle du sud de l’Alberta et une plateforme pour la présence autochtone qui était autrefois reléguée aux marges.
Le Campement d’Elbow River, anciennement connu sous le nom de « Village indien, » illustre cette transformation de façon évidente. Le campement traditionnel présente des tipis des Nations du Traité 7 : Siksika, Piikani, Kainai, Tsuut’ina et Stoney Nakoda. Ce qui existait autrefois comme une exposition culturelle s’est transformé en un espace où les communautés autochtones affirment leur influence sur leur représentation.
« Mon grand-père participait aux premiers Stampedes quand les Autochtones ne pouvaient même pas quitter les réserves sans la permission des Agents des Affaires indiennes, » explique Cory Beaver, un jeune éducateur Stoney Nakoda qui guide des visites culturelles sur le site du Stampede. « Maintenant nous sommes des partenaires, pas seulement des artistes. »
Selon les recherches du département d’études autochtones de l’Université Mount Royal, le Stampede a historiquement occupé une position paradoxale—célébrant simultanément les cultures autochtones tout en existant dans un cadre colonial qui a déplacé ces mêmes communautés. Aujourd’hui, cette relation est consciemment renégociée.
L’impact économique du Stampede est considérable. Une étude de 2019 du Conference Board du Canada a estimé qu’il génère environ 540 millions de dollars d’activité économique pour l’Alberta chaque année. Mais au-delà de l’économie, sa signification culturelle continue d’évoluer.
En parcourant le site un samedi achalandé, je suis frappé par les contrastes. À l’arène de rodéo, les événements traditionnels comme le monte de taureau et les courses de barils attirent des foules enthousiastes. Ces compétitions tirent leur origine des compétences pratiques d’élevage qui ont façonné le développement du sud de l’Alberta. Pendant ce temps, au Centre BMO tout proche, le Marché autochtone présente des artistes autochtones contemporains qui vendent de tout, des médicaments traditionnels à l’art graphique moderne qui remet en question les récits coloniaux.
« Le Stampede est l’endroit où Calgary montre ses nombreux visages, » explique Dr. Aruna Srivastava, qui étudie la représentation culturelle à l’Université de Calgary. « C’est à la fois une célébration du patrimoine rural, une extravagance de réseautage d’entreprise, et de plus en plus, un espace où les peuples autochtones reprennent leur visibilité. »
Cette visibilité n’est pas venue sans lutte. Jusqu’à récemment, la représentation des cultures autochtones par le Stampede s’appuyait souvent sur des stéréotypes problématiques. Le terme même de « Village indien » est resté en usage jusqu’en 2018, quand il a été changé pour Campement d’Elbow River après consultation avec les leaders du Traité 7.
Pour de nombreux Calgariens comme Thomas Standing, dont l’arrière-grand-père Blackfoot a participé aux premiers événements du Stampede, la célébration porte une signification personnelle profonde.
« L’histoire de ma famille est tissée dans cet événement, » me confie Standing alors que nous regardons une démonstration de culture équestre traditionnelle. « Il fut un temps où nos cérémonies étaient illégales selon la loi canadienne, mais certaines pratiques culturelles ont survécu en partie parce qu’elles avaient une place au Stampede. »
Au-delà de la représentation autochtone, le Stampede reflète d’autres évolutions culturelles. L’événement qui célébrait autrefois exclusivement le patrimoine d’élevage anglo-canadien inclut maintenant des desserts philippins halo-halo aux côtés du traditionnel bannique, des steel drums des Caraïbes aux côtés de la musique country, et des passages piétons arc-en-ciel près de la tente Nashville North.
La mairesse de Calgary, Jyoti Gondek, a décrit le Stampede comme « une célébration où tout le monde a sa place, » bien que cette vision reste plus aspirationnelle que pleinement réalisée. Les défenseurs de l’accessibilité notent que le site peut être difficile pour les personnes à mobilité réduite, et le coût élevé de l’entrée crée des barrières économiques pour beaucoup.
La signification culturelle du Stampede s’étend au-delà du festival de dix jours lui-même. Tout au long de l’année, la Fondation Stampede offre des programmes éducatifs à des milliers d’étudiants, enseignant à la fois les compétences traditionnelles de cow-boy et les connaissances autochtones. Ces programmes représentent une tentative de contextualiser l’histoire complexe de la région dans une compréhension contemporaine de la réconciliation.
« Nous essayons de dépasser le récit simpliste des cow-boys et des Indiens, » explique Shannon Leggett, une éducatrice de la Fondation Stampede. « La vraie histoire parle de la façon dont divers peuples ont vécu ensemble sur cette terre—parfois en conflit, parfois en coopération. »
À l’approche du soir, je me retrouve aux tribunes pour les courses de chariots—peut-être la tradition la plus controversée du Stampede. Les défenseurs du bien-être animal critiquent depuis longtemps l’événement pour les blessures et les décès de chevaux, forçant les organisateurs à mettre en œuvre des mesures de sécurité plus strictes. Cette tension entre tradition et valeurs en évolution reflète les négociations culturelles plus larges qui se déroulent dans toute la société canadienne.
L’importance culturelle du Stampede de Calgary réside finalement dans sa capacité à évoluer—de la vitrine frontalière romancée de Guy Weadick à un reflet plus complexe de l’Alberta contemporaine. Bien qu’il continue de véhiculer certains mythes nostalgiques de l’Ouest, il reconnaît de plus en plus l’histoire complète des territoires où il se déroule.
En regardant les familles se diriger vers les sorties—certaines en bottes de cow-boy, d’autres en regalia traditionnelle, beaucoup en vêtements ordinaires de cultures du monde entier—je me rappelle que la signification culturelle n’est pas statique. Comme toutes les traditions vivantes, le Stampede continue d’être réimaginé par chaque génération qui y participe, créant une tapisserie culturelle aussi diverse que la ville elle-même.