L’annonce est arrivée discrètement un lundi matin, sans le départ dramatique auquel on pourrait s’attendre de la deuxième figure politique la plus puissante de Terre-Neuve-et-Labrador. La vice-première ministre et ministre des Finances, Siobhan Coady, a confirmé qu’elle ne sollicitera pas un nouveau mandat en 2025, mettant ainsi fin à l’une des carrières politiques les plus influentes de la province au cours de la dernière décennie.
« Après une profonde réflexion avec ma famille et mes amis, j’ai décidé que les prochaines élections marqueront la fin de mon temps en politique provinciale, » a déclaré Coady aux journalistes réunis à l’édifice de la Confédération à St-Jean. « Il arrive un moment où il faut passer le flambeau, et je crois que ce moment approche. »
Le moment de cette annonce a pris de court de nombreux observateurs politiques. Alors que les coffres provinciaux montrent une amélioration modeste et que le leadership du premier ministre Andrew Furey semble assuré, le départ de Coady retire une main stable d’un gouvernement qui navigue encore dans la reprise économique post-pandémique.
Alex Marland, politologue à l’Université Memorial, suggère que cette annonce reflète un timing stratégique soigneusement calculé. « Les ministres du Cabinet signalent souvent ces intentions bien avant une élection pour permettre une planification de la succession. Cela donne au parti le temps de recruter des candidats solides et évite une perception d’abandon du navire. »
Pour les résidents de St-Jean Ouest, la circonscription que Coady représente depuis 2015, la nouvelle a suscité des réactions mitigées. À la Boulangerie Georgetown sur la rue Water, les conversations autour du café matinal reflétaient à la fois de l’appréciation et de l’incertitude.
« Elle nous a aidés pendant des périodes difficiles, » a remarqué Margaret Parsons, résidente de longue date. « Souvenez-vous quand les prix du pétrole se sont effondrés et puis la COVID a frappé? Elle a gardé une main ferme sur nos finances pendant des moments impossibles. »
Les implications politiques s’étendent au-delà de sa circonscription. En tant que ministre des Finances depuis 2020, Coady a guidé les budgets provinciaux à travers les turbulences économiques de la pandémie. Son approche mesurée de la politique fiscale a gagné le respect même des bancs de l’opposition.
Tony Wakeham, critique des finances du Parti progressiste-conservateur, a reconnu ses contributions tout en questionnant le timing. « La ministre Coady a servi avec distinction, mais son départ soulève de sérieuses questions sur la vision économique à long terme du gouvernement libéral. Y a-t-il des défis à venir dont on ne nous a pas parlé? »
Cette vacance crée à la fois une opportunité et un défi pour le premier ministre Furey. Les observateurs politiques notent que la combinaison de portefeuilles de Coady – finances et vice-première ministre – représentait une connaissance institutionnelle significative et un poids politique au sein du cabinet.
« Ce n’est pas n’importe quel ministre qui s’écarte, » a noté Janet Whalen, ancienne conseillère en politique provinciale. « Coady a apporté des références commerciales et un savoir-faire politique qui équilibraient la formation médicale de Furey. Ce partenariat a stabilisé le gouvernement pendant des années incroyablement difficiles. »
En effet, le CV de Coady la distinguait de nombreux collègues. Avant de revenir en politique, elle a été présidente du Centre canadien d’information sur l’énergie et a bâti une carrière réussie dans le secteur privé, notamment à des postes de direction chez Newfoundland Power. Cette expérience des affaires a influencé son approche pragmatique des finances provinciales.
Les élections de 2025 présentent maintenant de nouveaux défis pour les libéraux qui espèrent obtenir un autre mandat. Un récent sondage de Corporate Research Associates montrait que le parti au pouvoir avait une avance modeste sur les progressistes-conservateurs, mais les transitions de leadership créent toujours une vulnérabilité.
Pour sa part, Coady a souligné la continuité dans ses derniers mois. « Je suis pleinement engagée à livrer notre prochain budget et à soutenir notre stratégie de croissance économique avant les élections, » a-t-elle déclaré. « Cette annonce apporte simplement de la clarté pour toutes les personnes concernées. »
Des sources proches de la ministre suggèrent que sa décision reflète un timing personnel plutôt qu’un calcul politique. À 63 ans, Coady a passé plus d’une décennie dans la politique fédérale et provinciale combinée, avec des années supplémentaires dans la gouvernance municipale.
La voie à suivre reste incertaine tant pour Coady que pour sa circonscription. Des initiés politiques mentionnent que plusieurs candidats libéraux potentiels ont déjà exprimé leur intérêt pour l’investiture, bien qu’aucun n’ait fait d’annonce formelle.
Quant à la vice-première ministre elle-même, elle a refusé de préciser ses projets post-politiques. « J’ai toujours cru qu’il fallait contribuer au succès de Terre-Neuve-et-Labrador, que ce soit dans la fonction publique ou dans la vie privée. Cet engagement ne changera pas. »
Pour une province qui travaille encore à la diversification économique et aux défis démographiques, la gestion fiscale stable de Coady laissera un vide important à combler. La façon dont le premier ministre Furey restructurera le cabinet en réponse pourrait signaler les priorités de son gouvernement à l’approche d’une année électorale.
Pendant ce temps, à St-Jean Ouest, les électeurs commencent à envisager le changement. Comme l’a dit James Murphy, propriétaire d’entreprise locale, « Les politiciens vont et viennent, mais Coady était différente – elle répondait vraiment à mes appels. Ça compte plus que les couleurs du parti par ici. »
Le remaniement politique commence maintenant, avec quinze mois restants avant que les électeurs ne se prononcent.