La lumière du matin traverse les fenêtres de l’Hôpital St. Michael’s à Toronto tandis que la Dre Onye Nnorom s’adresse à un groupe de résidents en médecine. « Quand nous parlons des disparités de santé affectant les Canadiens noirs, nous devons comprendre le contexte historique, » explique-t-elle, sa voix portant à la fois l’autorité académique et l’expérience vécue.
Je suis assis au fond de la salle, observant ces futurs médecins apprendre quelque chose largement absent de leur formation médicale formelle: comment le racisme affecte la santé des patients noirs au Canada.
Une résidente lève la main. « Je me suis rendu compte qu’on ne m’avait jamais enseigné comment les affections cutanées se présentent différemment sur les peaux plus foncées, » admet-elle. « Ce n’était pas dans nos manuels. »
Cette lacune dans l’éducation médicale représente seulement un aspect d’un problème bien plus vaste. Malgré la réputation du Canada pour ses soins de santé universels, les Canadiens noirs continuent de faire face à des disparités tant dans l’accès que dans la qualité des soins. Les chiffres racontent une partie de l’histoire: les Canadiens noirs rapportent des taux plus élevés de diabète, d’hypertension et de problèmes de santé mentale, mais reçoivent souvent des recommandations de traitement différentes de leurs homologues blancs présentant des symptômes identiques.
« Le programme médical a historiquement été construit autour du corps blanc comme référence, » explique la Dre Nnorom, qui dirige le Collectif d’éducation sur la santé des Noirs, une initiative visant à développer un curriculum anti-raciste dans les facultés de médecine canadiennes. « Nous n’ajoutons pas simplement de la diversité—nous corrigeons une faille fondamentale dans la façon dont la médecine a été enseignée. »
Lors de ma visite à la faculté de médecine de l’Université de Toronto le mois dernier, j’ai rencontré Chika Oriuwa, qui en 2020 est devenue la première femme noire à être sélectionnée comme unique major de promotion dans les 179 ans d’histoire de la faculté. Son parcours à travers l’éducation médicale met en lumière les problèmes systémiques en jeu.
« Tout au long de ma formation, j’étais souvent la seule personne noire dans la pièce, » me confie Oriuwa alors que nous sommes assis à la cafétéria de l’hôpital entre ses quarts de travail. « C’est un poids psychologique de naviguer constamment dans des espaces où personne ne vous ressemble, où l’on doute de vous, et où le contenu ne reflète pas les réalités de votre communauté. »
Un sondage de 2021 par l’Association des médecins noirs de l’Ontario a révélé que 78% des étudiants noirs en médecine ont signalé avoir subi de la discrimination pendant leur formation. Pendant ce temps, les Canadiens noirs ne représentent qu’environ 2,9% des médecins, bien qu’ils constituent près de 4% de la population canadienne.
Les disparités vont au-delà de la représentation. Des recherches publiées dans le Journal de l’Association médicale canadienne ont montré que les biais implicites affectent les décisions cliniques, avec des études démontrant que les patients noirs sont moins susceptibles de recevoir des analgésiques appropriés et plus susceptibles de voir leurs symptômes minimisés.
Le Dr Husam Abdel-Qadir, cardiologue au Women’s College Hospital, souligne des exemples concrets. « Nous savons que les femmes noires présentant des symptômes de maladies cardiaques sont plus susceptibles de voir leur douleur attribuée à l’anxiété plutôt qu’à des problèmes cardiaques, » explique-t-il. « Ce ne sont pas des échecs individuels—ce sont des schémas ancrés dans notre système de santé. »
Ce qui change maintenant, c’est l’approche pour aborder ces problèmes. Plutôt que de les traiter comme des concepts abstraits, les facultés de médecine à travers le Canada commencent à intégrer l’éducation anti-raciste comme composante fondamentale de la formation clinique.
À l’École de médecine du Nord de l’Ontario, le programme comprend désormais des modules spécifiques sur la façon dont les déterminants sociaux de la santé affectent différemment les communautés noires. L’Université McGill a lancé un groupe de travail examinant l’impact du racisme systémique sur l’éducation médicale. Le programme de médecine de l’Université de la Colombie-Britannique a commencé à incorporer du contenu sur la présentation des affections cutanées sur diverses tonalités de peau.
« Il ne s’agit pas de faire culpabiliser les étudiants blancs, » précise la Dre OmiSoore Dryden, titulaire de la Chaire James R. Johnston en études canadiennes noires à l’Université Dalhousie. « Il s’agit de s’assurer que tous les médecins puissent fournir des soins de qualité à tous les patients. C’est fondamentalement une question d’excellence médicale. »
Lorsque j’ai parlé avec des étudiants noirs en médecine, j’ai trouvé un optimisme prudent concernant ces changements. Michelle Akinmulero, étudiante de troisième année à l’Université Queen’s, décrit avoir remarqué des évolutions dans son éducation.
« Il y a à peine deux ans, les discussions sur la race dans les soins de santé étaient superficielles, » me dit-elle lors de notre appel vidéo. « Maintenant, nous avons des séances abordant spécifiquement le racisme anti-noir dans les soins de santé, avec des médecins noirs dirigeant ces conversations. »
Mais des défis demeurent. L’Association des étudiants noirs en médecine du Canada a documenté des problèmes persistants, notamment des micro-agressions dans les milieux cliniques et un manque de soutien structurel pour les étudiants noirs naviguant dans des institutions majoritairement blanches.
« Les changements se produisent de façon inégale, » reconnaît le Dr Upton Allen, chef de la Division des maladies infectieuses à l’Hôpital pour enfants malades. « Certaines institutions avancent rapidement tandis que d’autres progressent plus lentement. Ce qui importe, c’est que nous maintenions l’élan. »
La pression pour le changement s’étend au-delà des facultés de médecine. Des organisations de santé noires comme l’Alliance pour la santé des Noirs travaillent à collecter des données sanitaires basées sur la race pour mieux suivre les disparités. Les centres de santé communautaires dans les quartiers à forte population noire développent des modèles de soins culturellement adaptés.
Alors que notre système de santé confronte les réalités du racisme anti-noir, les éducateurs médicaux soulignent que l’objectif n’est pas seulement la sensibilisation mais l’action. Pour la Dre Nnorom, qui poursuit ses sessions d’enseignement régulières avec les résidents, le succès se traduira par des changements intégrés dans l’ensemble du système.
« Dans dix ans, je veux que discuter des impacts du racisme sur la santé soit aussi courant que d’enseigner le système cardiovasculaire, » dit-elle alors que notre entretien se termine. « Pas quelque chose de spécial ou séparé, mais un savoir essentiel pour chaque médecin au Canada. »
En quittant l’Hôpital St. Michael’s, observant les nouveaux médecins se précipiter entre les patients, je suis frappé à la fois par l’urgence et le potentiel de ce moment. L’éducation médicale façonne non seulement les carrières individuelles mais aussi les expériences de santé de millions de personnes. Pour les Canadiens noirs qui ont longtemps navigué dans un système qui n’a pas été conçu en pensant à eux, ces changements ne peuvent pas arriver assez vite.