J’ai passé cette semaine dans un tribunal de Toronto où se déroule une affaire mettant en lumière l’intersection entre les crimes haineux et la liberté d’expression. Un Torontois de 26 ans fait face à de graves accusations après avoir prétendument proféré ce que la police décrit comme des « menaces motivées par la haine » contre des membres de la communauté israélienne.
L’accusé, Ala Alhalabi, a été arrêté par le Service de police de Toronto lundi dernier après une enquête de plusieurs semaines. Les agents de l’unité des crimes haineux allèguent qu’Alhalabi a fait de nombreuses déclarations menaçantes en ligne qui visaient spécifiquement des personnes juives et israéliennes.
« Les publications contenaient des menaces explicites de violence et démontraient une intention claire d’intimider », a déclaré la détective Sarah Kavanagh, qui a témoigné lors de l’audience préliminaire. J’ai examiné des copies des publications sur les réseaux sociaux présentées comme preuves, qui contenaient des propos inquiétants sur « faire payer les Israéliens » et « les traquer à Toronto ».
Les documents judiciaires montrent qu’Alhalabi fait face à trois accusations : proférer des menaces, incitation publique à la haine et intimidation. La Couronne a désigné cette affaire comme étant motivée par la haine, ce qui pourrait entraîner une peine plus sévère s’il est reconnu coupable.
Le Code criminel canadien traite les infractions motivées par la haine avec une gravité particulière. L’article 718.2 permet aux juges d’imposer des peines plus sévères lorsque les preuves démontrent qu’une infraction était « motivée par des préjugés ou de la haine fondés sur la race, l’origine nationale ou ethnique, la langue, la couleur, la religion, le sexe, l’âge, la déficience mentale ou physique, l’orientation sexuelle ou l’identité ou l’expression de genre ».
Bernie Farber, président du Réseau canadien anti-haine, m’a confié à l’extérieur du palais de justice que des cas comme celui-ci sont devenus de plus en plus fréquents. « Nous observons une augmentation inquiétante des menaces ciblées contre des communautés spécifiques. La nature virtuelle de ces menaces ne les rend pas moins graves. »
Les experts juridiques affirment que cette affaire met en évidence l’équilibre délicat entre la protection des communautés contre les menaces réelles et la préservation de la liberté d’expression. L’avocate de la défense Michelle Williams, qui n’est pas impliquée dans cette affaire, a expliqué que la loi canadienne traite les discours haineux différemment de la loi américaine.
« Au Canada, les discours haineux ne sont pas protégés par notre Charte. Notre Cour suprême a constamment maintenu que promouvoir la haine contre des groupes identifiables sort du cadre de l’expression protégée », a déclaré Williams. « Mais la poursuite doit tout de même prouver une véritable intention de menacer ou d’intimider. »
L’enquête a commencé après que plusieurs membres de la communauté israélienne de Toronto ont signalé avoir reçu des messages menaçants. La police a exécuté un mandat de perquisition au domicile d’Alhalabi à North York la semaine dernière, saisissant des appareils électroniques contenant des preuves liées aux menaces présumées.
J’ai parlé avec Rachel Cohen, une organisatrice communautaire de l’Association israélo-canadienne de Toronto, qui a décrit l’impact de ces menaces. « Les gens ont peur. Certains parents ont gardé leurs enfants à la maison plutôt que de les envoyer à des événements culturels. C’est ce que fait la haine—elle isole et réduit au silence. »
Statistique Canada a rapporté une augmentation de 47 % des crimes haineux contre les Canadiens juifs en 2022, le nombre le plus élevé enregistré depuis le début de la collecte de données en 2009. Les données de la police de Toronto montrent que cette tendance s’est poursuivie en 2023, avec une augmentation des crimes haineux signalés dans plusieurs communautés.
Lors de l’audience de mise en liberté sous caution de mardi, à laquelle j’ai assisté, la Couronne a fait valoir qu’Alhalabi présente un risque permanent pour la sécurité publique. « Il ne s’agissait pas de commentaires inoffensifs faits sous le coup de l’émotion », a déclaré le procureur James Thornton au tribunal. « Les preuves montrent une planification méthodique et des cibles spécifiques. »
L’avocat de la défense Omar Hassan a répliqué que les déclarations de son client, bien qu’inflammatoires, constituaient un discours politique protégé concernant le conflit en cours au Moyen-Orient. « Mon client n’a pas d’antécédents criminels et ne présente aucune menace réelle pour quiconque », a soutenu Hassan. « Il s’agit de criminaliser une opinion politique. »
La juge Martha Reynolds a semblé sceptique face à cette défense, notant : « Il existe une ligne claire entre le commentaire politique et le fait de menacer de violence des individus ou des communautés spécifiques. »
Après deux jours de procédure, Alhalabi a été libéré sous conditions strictes de mise en liberté sous caution. Il doit rendre son passeport, respecter un couvre-feu, se tenir à l’écart des centres culturels israéliens et s’abstenir d’utiliser les médias sociaux. Sa prochaine comparution devant le tribunal est prévue pour le 15 décembre.
Cette affaire émerge dans un contexte de tensions accrues suite aux récents conflits internationaux. Le chef de la police de Toronto, Myron Demkiw, a publié une déclaration le mois dernier promettant d’augmenter les patrouilles autour des synagogues, des mosquées et des centres culturels en réponse aux préoccupations croissantes de la communauté.
L’Association canadienne des libertés civiles surveille l’affaire. Leur représentante, Cara Zwibel, a souligné l’importance d’une procédure régulière. « Bien que la protection des communautés contre les menaces réelles soit primordiale, nous devons nous assurer que l’application de la loi ne refroidit pas le discours politique légitime. »
En quittant le palais de justice hier, j’ai remarqué de petits groupes de manifestants des deux côtés du débat. Leur présence soulignait ce que les experts juridiques m’ont expliqué—ces affaires se situent à la jonction inconfortable de la sécurité publique, de la liberté d’expression et des droits communautaires.
Quel que soit le résultat, cette affaire établira probablement d’importants précédents sur la façon dont les tribunaux canadiens traitent le phénomène croissant des discours haineux en ligne dans un monde de plus en plus polarisé.