Alors que la chaleur estivale commence à s’estomper à Montréal, une effervescence discrète s’empare des résidents et des responsables municipaux. Dans moins d’un an, notre ville rejoindra une communauté mondiale sélecte accueillant l’événement sportif le plus regardé de la planète.
En me promenant à travers le Parc olympique mardi dernier, j’ai observé des équipes qui délimitaient déjà les contours préliminaires de ce qui deviendra l’une des transformations sportives les plus ambitieuses de Montréal. Le Stade Saputo, qui accueille habituellement 20 000 supporters enthousiastes de l’Impact, subira bientôt des rénovations de 300 millions de dollars pour répondre aux normes strictes de la FIFA.
« Nous n’accueillons pas seulement des matchs de soccer, » m’a expliqué Sophie Tremblay, coordinatrice de la planification de la Coupe du Monde à Montréal, lors de notre entretien près du futur site du festival des supporters. « Nous invitons le monde entier à découvrir notre ville à un moment où le lien communautaire n’a jamais été aussi nécessaire. »
Les chiffres derrière ce spectacle sportif sont impressionnants. Selon les projections du Comité d’accueil de Montréal, la ville s’attend à environ 200 000 visiteurs internationaux pendant la période du tournoi, avec des retombées économiques potentielles atteignant 307 millions de dollars. Ces chiffres représentent plus que des statistiques – ils reflètent de réelles opportunités pour les entreprises locales encore en convalescence après les pertes de l’ère pandémique.
Jean-Philippe Lavoie, qui gère un restaurant familial dans le Vieux-Port, a exprimé un optimisme prudent lorsque je lui ai parlé de l’afflux à venir. « Après ce que nous avons traversé, cela pourrait être le coup de pouce dont nous avons besoin. Mais la question est de savoir si les petites entreprises comme la mienne ressentiront réellement ces bénéfices ou s’ils iront simplement aux grands hôtels et chaînes. »
La préoccupation de Lavoie fait écho aux conversations que j’ai eues avec des dizaines de propriétaires de petites entreprises à travers la ville. Bien que le Conseil municipal ait approuvé un plan d’accueil de 90 millions de dollars l’année dernière, de nombreux membres de la communauté se demandent si les préparatifs incluront des mesures de protection économique pour les entreprises de quartier.
La transformation s’étend au-delà du Stade Saputo. Cinq installations d’entraînement dans la région du Grand Montréal sont prévues pour des améliorations, notamment les installations de l’Université de Montréal et du Parc Jarry. Les systèmes de transport subiront un renforcement temporaire, avec la STM planifiant des heures prolongées et un service supplémentaire les jours de match.
Ce qui distingue l’approche de Montréal des villes hôtes précédentes est l’accent mis sur la création d’un héritage communautaire durable. La maire adjointe Marie-Claude Leblanc m’a confié lors d’un briefing à l’Hôtel de Ville que les améliorations des infrastructures donneraient la priorité à l’accès communautaire après le tournoi.
« Chaque amélioration d’installation, chaque renforcement du transport – nous concevons en pensant à juillet 2026, mais aussi avec un regard vers les vingt prochaines années d’utilisation communautaire, » a déclaré Leblanc. « La Coupe du Monde fournit le catalyseur, mais les Montréalais seront les bénéficiaires à long terme. »
Tout le monde ne partage pas cette vision optimiste. Un récent rapport de la Fédération canadienne des contribuables a remis en question si le prix de 300 millions de dollars livrera les rendements promis. Leur analyse d’événements sportifs précédents suggère que les villes hôtes surestiment souvent les avantages économiques tout en sous-estimant les coûts.
Lorsqu’interrogés sur ces préoccupations, les représentants de Tourisme Montréal ont souligné les Jeux olympiques de 1976, qui ont réussi à transformer l’attention internationale en croissance touristique soutenue. Les statistiques officielles du Ministère du Tourisme du Québec ont montré une augmentation de 4,5% des visiteurs internationaux dans les 18 mois suivant ces jeux.
Au-delà de l’économie, les préparatifs culturels prennent également forme. La ville a lancé un programme de recrutement de bénévoles multilingues ciblant 4 000 participants locaux, avec priorité donnée aux résidents des communautés sous-représentées.
Fatima Bensouda, une organisatrice communautaire de Saint-Michel, y voit une opportunité cruciale. « Les événements sportifs comme celui-ci se produisent souvent pour les communautés plutôt qu’avec elles, » a-t-elle expliqué tout en supervisant une clinique de soccer pour jeunes au Parc Jarry. « Notre objectif est de garantir que les quartiers de Montréal se sentent propriétaires de ce moment, pas seulement le centre-ville. »
Le défi auquel font face les organisateurs va au-delà de la logistique. Montréal partage les responsabilités d’accueil avec Vancouver comme seules villes canadiennes parmi les 16 hôtes nord-américains. Cela signifie que notre ville porte le poids de la représentation nationale aux côtés de la fierté locale.
J’ai été témoin de cette double responsabilité lors d’une récente assemblée publique où les résidents débattaient de la manière dont l’expérience montréalaise devrait être distinctement « canadienne » par rapport à la mise en valeur de notre identité multiculturelle unique. La conversation a révélé la relation complexe entre la fierté civique et nationale qui émerge souvent lors des projecteurs internationaux.
Pour les Montréalais ordinaires, les questions pratiques dominent : Les prix des billets seront-ils accessibles? Comment les déplacements quotidiens seront-ils affectés? La ville peut-elle gérer les exigences de sécurité sans créer une atmosphère de forteresse?
Les responsables municipaux ont promis la transparence à mesure que les plans se développent, avec des mises à jour publiques trimestrielles prévues tout au long de 2025. Le prochain briefing, prévu pour janvier, détaillera la gestion des transports et les stratégies d’hébergement.
« Il ne s’agit pas seulement de soccer, » a remarqué Michel Tremblay, résident montréalais de longue date qui a assisté à trois Coupes du Monde précédentes en tant que supporter. « Il s’agit de montrer au monde qui nous sommes. Les matchs durent 90 minutes, mais l’impression que nous laissons dure pour toujours. »
Alors que les délais de préparation se resserrent et que les équipes de construction deviennent plus visibles à travers la ville, l’identité de Montréal pour la Coupe du Monde prend lentement forme. Qu’il soit mesuré en impact économique, en améliorations d’infrastructure ou en fierté civique, le véritable héritage du tournoi sera finalement déterminé non par les officiels de la FIFA ou les dirigeants politiques, mais par les communautés qui appellent Montréal leur foyer bien après le coup de sifflet final.