Le compte à rebours est lancé dans les installations postales à travers le pays cette semaine, alors que les travailleurs de Postes Canada votent sur ce que la direction appelle son « offre finale ». Après des mois de négociations qui ont souvent frôlé la perturbation des services, la société d’État et le Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes (STTP) se trouvent à un moment décisif qui pourrait transformer le service postal canadien.
En visitant le dépôt postal d’Ottawa hier, j’ai remarqué l’efficacité habituelle mêlée à un courant de tension indéniable. Les travailleurs triaient le courrier avec une précision rodée tout en échangeant des conversations à voix basse sur ce que plusieurs décrivaient comme « le vote le plus conséquent depuis des années ».
« Nous ne votons pas simplement sur les salaires, » explique Marissa Chen, factrice depuis 12 ans. « Il s’agit de la sécurité au travail, de la sécurité d’emploi, et de savoir si Postes Canada restera un service public sur lequel les Canadiens peuvent compter. » Ses préoccupations résonnent dans toutes les installations du pays où environ 55 000 membres voteront d’ici le 19 mai.
Les négociations se déroulent dans un contexte de changement des habitudes des consommateurs et de transformation numérique. Postes Canada a déclaré une perte de 548 millions de dollars avant impôts en 2023, citant la baisse du volume de courrier et l’augmentation des coûts opérationnels. Pendant ce temps, la livraison de colis – autrefois considérée comme la bouée de sauvetage de l’organisation – fait face à une concurrence intensifiée des services de messagerie privés.
Jan Simpson, présidente nationale du STTP, a toujours soutenu que les travailleurs ne devraient pas supporter le poids de ces défis. « Nos membres ont maintenu ce pays connecté pendant une pandémie, » a déclaré Simpson lors d’une récente conférence de presse. « Ils méritent un contrat qui reconnaît leur rôle essentiel et qui aborde les problèmes persistants en milieu de travail. »
Ces problèmes incluent ce que le syndicat décrit comme une « crise des blessures ». Selon les données de WorkSafeBC, les travailleurs des postes connaissent des taux de blessures près de cinq fois plus élevés que d’autres secteurs sous réglementation fédérale, avec des chiffres particulièrement inquiétants pour les facteurs ruraux et suburbains.
Au cœur du différend se trouve le système de rémunération à deux vitesses qui crée d’importantes disparités salariales entre les facteurs urbains et ruraux. Malgré un travail similaire, les facteurs ruraux et suburbains – majoritairement des femmes – gagnent environ 30 % de moins que leurs homologues urbains, selon l’analyse des structures de rémunération du STTP.
L’offre de Postes Canada comprend des augmentations salariales de 11,5 % sur quatre ans et certaines dispositions pour remédier à ces disparités, mais la direction du syndicat maintient que cela est insuffisant pour atteindre une véritable équité salariale. « Le principe est simple, » explique Simpson. « Un salaire égal pour un travail de valeur égale. »
Le gouvernement fédéral a maintenu une distance prudente vis-à-vis des négociations, bien que le ministre du Travail Seamus O’Regan ait encouragé les deux parties à parvenir à un accord. « Les meilleures ententes se font à la table de négociation, » a noté O’Regan dans une déclaration publiée le mois dernier, tout en reconnaissant la nature essentielle des services postaux pour les Canadiens, particulièrement dans les communautés rurales.
Cette approche mesurée représente un changement par rapport à 2018, lorsque le gouvernement précédent avait légiféré pour forcer le retour au travail des postiers après des grèves tournantes – une législation qui a été plus tard déclarée inconstitutionnelle par un tribunal ontarien.
Pour de nombreux Canadiens, la possibilité d’une perturbation des services soulève des préoccupations pratiques. Les propriétaires de petites entreprises comme Teresa Giannone, qui exploite une boutique en ligne de fournitures artisanales à Kelowna, s’inquiètent des implications. « Environ 70 % de mes commandes passent par Postes Canada, » m’a confié Giannone. « Si le service s’arrête, même temporairement, cela affecte mes moyens de subsistance et la satisfaction de mes clients. »
Ces préoccupations sont amplifiées dans les communautés rurales où les options de livraison alternatives sont limitées ou inexistantes. Au Nunavut, où Postes Canada sert de ligne de vie pour les biens essentiels, les responsables locaux ont commencé à planifier des mesures d’urgence au cas où les pourparlers échoueraient.
Jon Hamilton, porte-parole de Postes Canada, a souligné l’engagement de la société à parvenir à un accord sans perturbation. « Nous avons présenté une offre juste et compétitive qui équilibre les besoins de nos employés avec les réalités financières auxquelles nous faisons face, » a déclaré Hamilton dans un communiqué fourni à Mediawall.news.
Les représentants syndicaux rétorquent que les défis financiers de la société découlent des décisions de la direction et des modèles d’affaires désuets plutôt que des coûts de main-d’œuvre. Ils soulignent les services postaux performants d’autres pays qui ont diversifié leurs sources de revenus tout en maintenant des normes de travail solides.
Les résultats du vote de cette semaine détermineront la suite des événements. Un rejet déclencherait probablement un préavis de grève de 72 heures de la part du syndicat, bien que les deux parties aient exprimé leur volonté de reprendre les négociations.
Alors que les bulletins de vote sont comptés, le résultat reflètera plus qu’un simple conflit de travail. Il touche à des questions fondamentales sur l’avenir des services publics au Canada, l’équité en milieu de travail, et comment l’infrastructure essentielle s’adapte aux changements technologiques.
Pour les travailleurs des postes comme Chen, le vote représente une décision profondément personnelle aux implications plus larges. « Je pense à mes collègues, à ma famille, et à chaque Canadien qui compte sur nous, » dit-elle, en scellant l’enveloppe contenant son bulletin de vote. « Quoi qu’il arrive ensuite, j’espère que les gens comprennent ce qui est vraiment en jeu. »