Le Sénat a infligé hier un cinglant désaveu à l’ancien président Trump concernant sa proposition de droits de douane sur l’aluminium canadien, avec quinze sénateurs républicains qui ont traversé les lignes de parti pour bloquer cette mesure. Ce vote de 65 contre 29 marque l’un des défis les plus importants à l’approche économique de Trump depuis son départ de la Maison-Blanche.
« Nous en avons assez des politiques économiques au bord du gouffre avec nos alliés les plus proches, » a déclaré la sénatrice Lisa Murkowski lors d’un bref échange dans les couloirs après le vote. « C’est le consommateur américain qui finit par payer ces coûts, et les données ne justifient tout simplement pas ces droits de douane particuliers. »
Une coalition improbable s’est formée entre les républicains des États frontaliers et les démocrates préoccupés par la hausse des prix à la consommation. Le vote reflète les tensions croissantes entre la vision protectionniste de Trump et l’orthodoxie traditionnelle républicaine de libre-échange qui avait été réprimée pendant son administration.
Devant la chambre hier, le sénateur John Cornyn du Texas n’a pas mâché ses mots: « Le Canada achète près de 400 milliards de dollars de produits américains chaque année. Il ne s’agit pas seulement d’aluminium, mais d’une relation stratégique qui soutient des millions d’emplois américains. »
La proposition de droits de douane rejetée aurait imposé un droit de 25% sur les importations d’aluminium canadien, que Trump avait qualifié de nécessaire pour « la sécurité nationale. » Mais selon l’analyse de l’Institut Peterson d’économie internationale, de tels droits auraient augmenté les coûts pour les fabricants américains d’environ 2,8 milliards de dollars par an, touchant particulièrement les industries automobile et des boissons.
Le gouvernement canadien avait déjà préparé des mesures de représailles visant les exportations agricoles américaines si les droits de douane avaient été approuvés. Celles-ci auraient touché de façon disproportionnée les agriculteurs dans les États à tendance républicaine, créant ce que la ministre canadienne du Commerce international, Mary Ng, a appelé « un scénario perdant-perdant sans gagnants. »
Ce qui rend le vote d’hier particulièrement significatif est la volonté des sénateurs républicains de rompre publiquement avec Trump sur la politique économique. Le sénateur Mike Rounds du Dakota du Sud, qui a voté contre les droits de douane, a expliqué: « Nos agriculteurs ne peuvent pas se permettre une autre guerre commerciale. Nous exportons plus de 28 milliards de dollars en produits agricoles vers le Canada chaque année. Ces marchés ont pris des années à se développer et peuvent disparaître du jour au lendemain. »
Les données du Représentant américain au commerce montrent que le Canada demeure le plus grand marché d’exportation pour les États-Unis et le principal marché pour la plupart des États. Les chaînes d’approvisionnement interconnectées entre les deux pays soutiennent environ 9 millions d’emplois américains selon la Chambre de commerce des États-Unis.
« Ce vote ne concernait pas le fait d’être pour ou contre Trump, » a déclaré le sénateur Mitt Romney aux journalistes. « Il s’agissait d’économie de base et de notre relation avec notre partenaire commercial le plus important. »
La législation se dirige maintenant vers le bureau du président Biden, qui devrait la signer. La porte-parole de la Maison-Blanche, Karine Jean-Pierre, a indiqué hier que l’administration « soutient une approche mesurée du commerce qui renforce les industries américaines sans imposer inutilement un fardeau aux consommateurs ou tendre les relations avec nos alliés les plus proches. »
Pour l’instant, l’ambassadrice du Canada aux États-Unis, Kirsten Hillman, a exprimé son soulagement: « Ce vote reflète la compréhension profonde que beaucoup d’Américains ont de l’importance de notre relation commerciale. Lorsque nous travaillons ensemble, les deux économies prospèrent. »