Traverser le Canada en avion a longtemps été une nécessité pratique enveloppée d’un fardeau financier. Pour un pays qui s’étend sur 5 500 kilomètres d’un océan à l’autre, le transport aérien relie les familles, les entreprises et les cultures—mais généralement à un prix que de nombreux Canadiens trouvent de plus en plus difficile à justifier.
C’est dans ce contexte que le PDG de WestJet, Alexis von Hoensbroech, a récemment suggéré que des voyages aériens abordables représentent plus qu’une simple bonne affaire—c’est essentiel pour la cohésion nationale. En parlant de la stratégie de la compagnie pour réduire les tarifs, von Hoensbroech a fait la remarquable affirmation que diminuer le coût des vols intérieurs pourrait effectivement favoriser une plus grande unité nationale.
« Quand nous rendons plus abordable pour les Canadiens de voyager à travers leur propre pays, nous faisons plus que remplir des sièges, » a déclaré von Hoensbroech lors d’un point presse à Calgary. « Nous aidons à renforcer les liens qui unissent le Canada. »
Cette déclaration intervient alors que WestJet continue de se repositionner dans le paysage aérien canadien, en se concentrant sur ce que l’entreprise appelle sa stratégie de « valeur premium »—essentiellement offrir des tarifs compétitifs tout en maintenant des normes de service supérieures aux transporteurs à très bas coûts.
Mais y a-t-il une substance économique derrière ce cadrage patriotique? Les économistes des transports suggèrent que ce pourrait être le cas.
« La mobilité géographique a des avantages économiques et sociaux mesurables, » explique Dr. Amrita Singh de l’Institut de recherche sur les transports de l’Université de Toronto. « Quand les gens peuvent visiter différentes régions à prix abordable, ils développent des liens personnels plus forts avec des endroits qu’ils ne connaîtraient autrement que par les manchettes des journaux. »
Singh souligne des recherches montrant que les Canadiens qui ont visité plusieurs provinces ont tendance à exprimer des opinions plus positives sur les politiques nationales et à faire preuve d’une plus grande compréhension des préoccupations régionales. Le défi a toujours été que les tarifs aériens intérieurs au Canada comptent parmi les plus chers des pays développés lorsqu’ils sont mesurés par kilomètre parcouru.
Une analyse de 2023 par l’Institut économique de Montréal a constaté que les Canadiens paient environ 43% de plus pour des routes intérieures comparables que les Américains, un écart attribué aux frais d’aéroport plus élevés, aux taxes sur le carburant d’aviation et à des conditions de marché moins concurrentielles.
Cette barrière de coût a des effets réels. Les données de Statistique Canada indiquent que bien que 76% des Canadiens aient voyagé à l’international à un moment donné, seulement 60% ont visité trois provinces canadiennes ou plus—suggérant que beaucoup trouvent plus facile ou plus abordable de partir en vacances à l’étranger que d’explorer leur propre pays.
L’approche de WestJet semble s’attaquer directement à ce déséquilibre. La compagnie aérienne a récemment élargi son service sur les principales routes est-ouest et introduit des structures tarifaires qui rendent les voyages intérieurs spontanés plus accessibles. Leurs résultats trimestriels les plus récents montrent une augmentation de 7% du volume de passagers domestiques, suggérant que la stratégie pourrait fonctionner.
L’analyste de l’industrie aéronautique Cameron Doerksen de la Financière Banque Nationale considère ce positionnement comme astucieux. « WestJet exploite quelque chose qui résonne chez les Canadiens—le désir de se sentir connectés à leur pays malgré sa vaste géographie. S’ils peuvent offrir des tarifs plus bas tout en maintenant la rentabilité, c’est un récit convaincant. »
L’initiative de la compagnie aérienne s’aligne sur ce que certains sociologues appellent la « théorie de l’expérience partagée » de l’identité nationale—l’idée que les expériences communes et les interactions entre citoyens de différentes régions renforcent l’identité collective.
« Quand un Vancouvérois peut se permettre de visiter Halifax, ou que quelqu’un de Thunder Bay peut facilement se rendre à Yellowknife, cela crée des connexions personnelles qui transcendent les stéréotypes régionaux, » note Dr. Elise Thorburn, qui étudie l’identité canadienne à l’Université Memorial. « L’alternative est un pays où les citoyens s’identifient principalement à leur région plutôt qu’à la nation dans son ensemble. »
Les critiques, cependant, se demandent si le cadrage de WestJet n’est qu’un marketing intelligent enveloppé de patriotisme. L’industrie aérienne a historiquement bénéficié de protections réglementaires qui limitent la concurrence étrangère dans le ciel canadien, un facteur que certains économistes croient contribuer aux tarifs plus élevés.
Gabor Lukacs, fondateur d’Air Passenger Rights, un groupe de défense, considère les commentaires du PDG avec scepticisme. « Les compagnies aériennes ont longtemps utilisé des arguments d’intérêt national pour justifier des marchés protégés, » dit-il. « Si WestJet veut vraiment favoriser l’unité, ils devraient soutenir des politiques qui ouvrent le ciel canadien à plus de concurrence, ce qui ferait naturellement baisser les prix. »
Les considérations environnementales compliquent également le récit. Bien qu’un transport aérien intérieur accru puisse renforcer les liens sociaux, il s’accompagne d’une empreinte carbone que certains jugent en contradiction avec les engagements climatiques du Canada.
WestJet a répondu à ces préoccupations en investissant dans des avions plus économes en carburant et en explorant des options de carburant d’aviation durable, bien que les critiques soutiennent que ces mesures ne compensent que partiellement la croissance des émissions due à l’augmentation des vols.
La tension entre accessibilité et impact environnemental reflète des questions plus larges auxquelles font face de nombreux secteurs au Canada—comment équilibrer les avantages économiques et sociaux face aux considérations climatiques.
Pour les Canadiens ordinaires comme Melissa Chung, une enseignante de Winnipeg, la réalité pratique l’emporte sur les débats théoriques. « J’ai de la famille à Vancouver et à Toronto, mais visiter les deux dans la même année a toujours été financièrement impossible, » dit-elle. « Si les prix baissent significativement, cela change tout concernant ma capacité à rester en contact avec mes proches à travers le pays. »
Que la stratégie de WestJet représente une véritable construction nationale ou simplement un positionnement commercial intelligent dans un marché difficile, la prémisse sous-jacente—qu’une mobilité abordable renforce le tissu national—trouve un soutien tant dans la recherche que dans le bon sens.
Alors que le Canada navigue dans des questions complexes d’identité et d’unité dans un monde de plus en plus polarisé, peut-être y a-t-il quelque chose à dire pour des politiques et des stratégies commerciales qui facilitent simplement la connaissance mutuelle des Canadiens et de leur pays de première main.
Le véritable test sera de savoir si WestJet peut tenir sa promesse de tarifs plus bas de manière durable—tant économiquement qu’environnementalement—tout en maintenant les normes de service auxquelles les voyageurs canadiens se sont habitués.